Les réactions aux propos de Jacques Attali
Comme on pouvait s’y attendre, la filière musicale n’a pas tardé à réagir aux propos de Jacques Attali, jugés provocateurs. « Son arrogance, son argumentation superficielle et ses contre vérités ne sont pas dignes d’un homme ayant œuvré à de hautes fonctions dans notre république » estime le Snep, qui répond point par point à son argumentation. « Les seules rentes de situations qui existent actuellement dans l’économie numérique sont celles des fournisseurs d’accès, alors que les producteurs de musique et de cinéma – et c’est bien leur problème économique – ont été en quelque sorte expropriés de la prospérité d’Internet » souligne le syndicat (indiquant au passage que le chiffre d'affaires réalisé en un semestre par Free est supérieur à l'ensemble de l'industrie du disque pour toute une année).
« Dire qu’un comportement est bon, juste et nécessaire parce qu’il est pratiqué par un certain nombre de personnes – adolescents ou non – n’est pas la marque d’une profonde responsabilité civique » écrit le Snep, en rappelant que « les œuvres de tous les créateurs sont produites et diffusées par des entreprises régies par la même loi : il ne peut se produire de nouvelles œuvres que si les œuvres précédentes ont généré du profit. Les éditions Fayard, qui publient les livres de Jacques Attali, cesseront de les publier quand ceux-ci et ceux d’auteurs à succès ne seront plus rentables. Prétendre le contraire (ou prétendre que l’on peut ou que l’on doit faire fonctionner autrement les entreprises culturelles dans nos sociétés occidentales) est une hypocrisie ».
Le syndicat met aussi en avant la logique de la filière musicale : « tant que les maisons de disques dégagent des marges, elles investissent. Aujourd’hui comme aux temps les plus profitables du CD, de sept à neuf albums sur dix ne rentrent pas dans leurs frais. Pour la première fois, en 2008, les majors françaises ont rendu plus de contrats d’artistes qu’elles n’en ont signés. Il ne faut pas raconter n’importe quoi : c’est maintenant que l’industrie commence à produire moins d’artistes émergents ». Estimant que le courage, en politique comme en morale, n’est pas d’oser pour les autres, mais d’oser pour soi et que si la gratuité est bonne, elle est aussi bonne pour Jacques Attali, le Snep le remercie de diffuser l’adresse Internet à laquelle ses ouvrages seront désormais disponibles gratuitement…
Bruno Lion (éditions Peermusic) a également réagi. Extraits : « le monde culturel que propose Monsieur Attali fait peur… », « toutes les projections réalistes de la licence globale qu’il appelle de ses vœux montrent que les revenus de la création seraient au moins divisés par dix » », « reste qu’aujourd’hui et faute de mieux, c’est quand même l’économie de marché qui assure la vitalité de la création », « la loi création et internet n’est qu’une étape imparfaite mais indispensable : à refuser la régulation sur internet, c’est bien l’avenir des créateurs et le renouvellement de notre paysage culturel que l’on jette avec l’eau du bain ».
De son côté, Jean-Marie Moreau, président du Syndicat national des auteurs et compositeurs (Snac) s’inquiète de voir Jacques Attali « sombrer dans le populisme le plus médiocre » et oublier « la liberté des créateurs de l’ombre de pouvoir vivre de leur métier en percevant une juste rémunération sur leurs œuvres ». Et de lui lancer : « vous regrettez que la loi « Création et Internet » soit un obstacle à une gratuité offerte à la jeunesse. Il me semble que n’importe quel économiste, même moins brillant que vous, sait que la gratuité n’existe pas dans une société de consommation ».