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Concentration : les droits d’auteur ne profitent qu’à une minorité

12 Avril 2015 , Rédigé par Gildas Lefeuvre Publié dans #Droits

Le droit d’auteur ne fait vivre qu’une infime minorité de créateurs et d’artistes, c’est le constat que dresse Pierre-Carl Langlais (doctorant en sciences de l'information et de la communication, et critique musical par intermittence) dans une tribune publiée le 8 avril sur Rue89.nouvelObs.com. Une réalité admise implicitement par la Sacem, dont le rapport d’activité 2012 indique (page 25) que sur 48 000 auteurs-compositeurs, seulement 2 600 (5%) ont reçu plus de 15 000 € de droits dans l’année et 11 000 (23%) ont perçu de 1 001 € à 15 000 €, tandis que 34 400 (72%) se sont contentés de 1 000 € maximum. Cette année-là, le revenu moyen par créateur (en progression de 5%) s’établissait à 4770 €. Soit juste de quoi arrondir ses fins de mois mais pas d’en vivre…

Cette concentration est également soulignée dans les rapports annuels de la Cour des Comptes (Commission de contrôle des SPRD), notamment le rapport 2013 selon lequel « quelque 130 à 150 membres de la Sacem (soit 1/100e de ceux qui touchent des droits audiovisuels) bénéficient de la moitié des redevances ». 62 sociétaires touchent un revenu moyen de près de 800 000 € (48 millions distribués en juillet 2012), 1235 touchent moins du Smic et 5 893 moins de 1000 euros par an. Il ne s’agit là que des droits issus des diffusions audiovisuelles. Mais d’autres évaluations convergent pour pointer cette disparité. « Le système de répartition ne profite qu’à une (très) petite minorité », pointe l’auteur de la tribune. Selon son analyse, les sociétés de gestion de droits « sont confrontées à la loi d’airain de la propriété intellectuelle : la distribution des droits d’auteurs ne corrige pas les inégalités préexistantes ; elle les renforce. »

Le droit d’auteur n’échappe pas à la loi de Pareto

Une étude de l’Insee constate une concentration particulièrement marquée : « la moitié des auteurs-compositeurs se partagent en effet moins de 10% des droits des affiliés de cette catégorie, tandis que les 10% d’auteurs les plus favorisés en perçoivent près de la moitié ». Outre-Atlantique, une autre étude évalue la part des droits d’auteur dans les revenus des musiciens américains à 6%. Les considérables inégalités de revenus (…) aux Etats-Unis classent en particulier 9 des 11 professions artistiques dans le palmarès des professions les plus inégalitaires, parmi un ensemble de 123 professions supérieures examinées… Le droit d’auteur et, plus globalement, les professions artistiques n’échappent donc pas à la fameuse Loi de Pareto (sur la répartition inégalitaire) quant à la distribution des revenus… Et cela ne date pas d’hier. « Par sa structure même, le droit d’auteur constitue rarement une part substantielle du revenu d’un artiste ».

Pierre-Carl Langlais note que, paradoxalement, les crises des industries culturelles n’ont pas entraîné un recul de la rémunération globale des artistes. D’après l’Adami, les musiciens gagnent mieux leur vie depuis le début de la crise du disque : de 2000 à 2008, leur revenu médian est passé de 15000 € à 22500 € (alors que le chiffre d’affaires de l’industrie du disque s’effondre). « En quinze ans, Internet a peut-être plus fait pour réduire les inégalités structurelles de l’économie culturelle que certaines sociétés de droit d’auteur en deux siècles (….) », conclut le doctorant, qui estime que « la concentration des revenus au profit d’une minorité très restreinte devient progressivement intenable ».

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