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Exclusivités : venteprivee.com en guerre contre les majors

12 Octobre 2012 , Rédigé par Gildas Lefeuvre Publié dans #Distribution

L’album physique « Oxygen » de Baptiste Giabiconi, produit par le label participatif My Major Company, est à l’origine d’une virulente polémique. Son tort : s’être classé numéro Un des ventes lors de sa première semaine de sortie (du 24 au 29 septembre) en étant distribué exclusivement sur le site vente-privee.com (jusqu’au 15 octobre). Ce qui lui a valu d’être exclu du Top la semaine suivante par le Snep pour « non-respect du règlement ». Le syndicat justifie sa décision par les règles qui encadrent le classement des ventes et qui stipulent que les produits vendus en exclusivité dans une enseigne ne sont pas pris en compte.

La décision du Snep a suscité un communiqué agressif de Jacques-Antoine Granjon, fondateur et PDG de Vente Privée qui y voit un « combat d’arrière-garde, totalement méprisant des artistes, du public, et dans l’ignorance complète des mutations de consommation ». Il s’en prend à l’immobilisme des maisons de disques et crie à l’injustice. Il rappelle que Vente Privée distribue des disques référencés au classement GfK depuis 2011. « Nous condamnons d’autant plus cette décision que, cette année, pas moins de 5 artistes distribués par notre site ont été classés dans le Top GfK pendant 14 semaines, avec les mêmes conditions de prix, sans que le Snep se soit jamais manifesté » souligne le PDG. Il juge la mesure « discriminatoire », alors que l’album de Baptiste Giabiconi est également disponible en téléchargement sur iTunes à 9,99 euros, et se dit convaincu que « certaines maisons de disques veulent censurer ce chanteur parce qu’il a choisi un nouveau modèle de promotion ! ».

De son côté, Sevan Barsikian, cofondateur de My Major Company, juge aussi la situation anormale et arbitraire : « Nous sommes un label indépendant. Nous proposons un nouveau modèle de distribution de musique, en pleine crise du disque, et la décision du Snep est incompréhensible » commente-t-il. Le Snep se défend en considérant que ce type de lancement n’est que « coups marketing » qui ne peuvent fonctionner que de manière ponctuelle. « Le travail d’une maison de disques est de créer la carrière d’un artiste sur le long terme. Celle d’Alain Bashung ne s’est pas faite en vendant des disques dans des paquets de lessive » ironise son directeur général David El Sayegh. Certains vont même jusqu’à parler de « buzz raté » ; un « buzz raté » que beaucoup d’artistes envieraient pourtant, quand on sait que Baptiste Giabiconi affiche 820 000 followers sur Twitter, près de 400 000 fans sur Facebook et plus de 3 millions de vues de son clip « One Night in Paradise »…

Pression des majors ou pression des points de vente ? « Nous pensons que ce genre d’opération n’est pas favorable au développement d’un artiste et qu’en plus, la période d’exclusivité entame largement les perspectives commerciales du produit en aval, une fois qu’il arrive dans nos magasins » commente Olivier Hugon-Nicolas, délégué général du SDLC (Syndicat des distributeurs de loisirs culturels) qui, dans un communiqué, se félicite de la décision du Snep, estimant que la prise en compte des exclusivités de distribution fausserait l’utilité du Top.

Les raisons réelles du malaise ?

L’affaire est loin d’être anodine et révèle un malaise plus profond. Au-delà du Top, c’est bien le choix du développement d’un album physique sur le seul vecteur internet qui énerve les disquaires. « Il est évident que les réseaux de vente au détail ne pourraient s’aligner sur le prix de 6 euros affiché, sauf à déprécier la valeur du travail investi par l’ensemble des acteurs de la chaîne de production » estime le SDLC. Est-ce seulement la question des exclusivités (pourtant largement pratiquées depuis des années, à commencer par les « prix verts » de la Fnac) qui agace ? Le fait qu’elle ne soit pas initiée par un membre du Snep ? Est-ce le prix pratiqué qui perturbe ? L’arrivée, dans la distribution de musique, de nouveaux opérateurs non spécialisés (vente-privee.com est spécialisé dans le déstockage de produits en tous genres) bousculant volontairement les schémas établis qui est mal vue des acteurs traditionnels ? Est-ce la stratégie de lancement adoptée, et qui permit de vendre, quasiment sans relais médias, plus de 35 000 albums les deux premières semaines ? Ou bien, comment certains l’accréditent, le fait qu’il soit produit par My Major Company ? Pour info, le chanteur – mannequin et égérie de Karl Lagerfeld – avait fait le tour des majors quelques mois plus tôt sans décrocher de signature ; c’est alors que le site de financement participatif l’avait pris en main, avec 280 000 euros récoltés en quelques jours auprès des internautes.

C’est peut-être un peu de tout cela à la fois. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la question des exclusivités et des initiatives innovantes en matière de distribution bouscule la filière. On se souvient notamment de Prince, qui avait choisi de distribuer deux de ses albums en exclusivité encartés dans des quotidiens ou des magazines, en se passant des maisons de disques et des points de vente traditionnels.

Déclaration de guerre annoncée

Il est clair en tout cas que Vente Privée entend jouer les trublions et « entrer en résistance contre l’immobilisme ». Jacques-Antoine Granjon annonce qu’il déclare la guerre aux majors. « Nous ferons systématiquement la guerre aux prix abusifs, éloignés de la réalité du pouvoir d’achat et du mode de consommation des jeunes » annonce l’opérateur. Il fait valoir les exclusivités qu’il a lancées sur son site, toujours à petits prix, depuis 5 ans, notamment avec Alain Chamfort (20 000 CD vendus via le site), Patricia Kaas (disque d’or avec plus de 50 000 albums vendus), Charlélie Couture (20 000 exemplaires) et Iggy Pop (15 000). « Nous continuerons à investir dans cette industrie en mettant en avant des artistes, en vendant des albums à prix cassé ou des places de concerts, voire en coproduisant des spectacles » ajoute–t-il.

Et les exclusivités continuent : « Danse », le nouvel album de Lorie, qu’elle a autoproduit sur son propre label LMD2, est disponible à 6 € sur Vente Privée depuis le 8 octobre, en avant-première de sa sortie officielle le 26 octobre. « J’ai créé LMD2 afin de pouvoir faire ce que j’aime sans que l’on m’impose des directives qui ne correspondent pas à ce que je suis ou à ce que je souhaite transmettre au public. Je suis aujourd’hui totalement libre de m’exprimer comme je l’entends au travers de ma musique. Et cette indépendance vis-à-vis des maisons de disques devait aussi se retrouver dans la distribution. C’est pourquoi j’ai choisi vente-privee.com. Pour moi, c’est un formidable moyen de rendre mon disque accessible au plus grand nombre à un prix raisonnable.» explique l’artiste.

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E
« Le travail d’une maison de disques est de créer la carrière d’un artiste sur le long terme. Celle d’Alain Bashung ne s’est pas faite en vendant des disques dans des paquets de lessive » ironise<br /> son directeur général David El Sayegh.<br /> <br /> Doit-on rappeler à Mr El Sayegh l'opération Kool and The Gang et Bonux?<br /> <br /> Leur nouvel album fût en effet vendu en 2008 en cadeau Bonux dans les paquets du lessivier... le tout orchestré par une major du disque.
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