Critiques gouvernementales et réforme en vue pour l’Hadopi
Le dossier cristallise tous les débats : l’Hadopi est en sursis. Du moins dans sa forme actuelle. Jugée trop coûteuse et pas assez efficace par le gouvernement, elle va faire l’objet d’une réforme dans un cadre plus large et sera repensée en fonction d’orientations qui seront définies en 2013. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a confirmé devant les députés le 3 juillet qu’une « mission sur l’acte II de l’exception culturelle » était lancée. C’était l’un des engagements du candidat François Hollande durant la campagne présidentielle, concrétisé fin mai par la nomination (discrète puis officiellement confirmée en Conseil des ministres le 18 juillet) de Pierre Lescure à la tête d’une commission de concertation sur Hadopi, chantier « qui mêlera l’ensemble des acteurs sous l’œil attentif de l’Etat qui validera ou non les propositions, dans l’idéal sous six-huit mois » et « débouchera sur un nouveau cadre juridique au cours du premier semestre 2013 » a précisé le Premier ministre.
Depuis plusieurs semaines, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a exprimé à plusieurs reprises de sévères critiques sur le dispositif actuel et ses résultats. Plus d’un million de mails d’avertissement et 99 000 courriers recommandés ont été envoyés par la Haute autorité, et 314 dossiers sont en cours d’examen pour une éventuelle transmission au Parquet. Le dispositif de riposte graduée semble n’avoir débouché sur aucune sanction effective depuis sa mise en œuvre. Des résultats jugés au final bien minces. « 12 millions d’euros annuels et 60 agents, c’est cher pour envoyer un million d’e-mails » a déclaré la ministre le 2 août dans un entretien au Nouvel Observateur. Elle affiche clairement son scepticisme quant aux résultats du dispositif sur la baisse du téléchargement illégal et considère par ailleurs la mission pédagogique de l’Hadopi comme un échec. « Une chose est claire : l’Hadopi n’a pas rempli sa mission de développement de l’offre légale », notant que le label PUR, créé à cette intention, reste loin des effets escomptés.
Au même moment, le collège de l’Hadopi a demandé la reconduction de son budget pour 2013, soit 12 millions d’euros, ce qui tombe mal en période de restrictions. « En attendant les résultats de la mission Lescure, dans le cadre d’efforts budgétaires, je vais demander que les crédits de fonctionnement de l’Hadopi soient largement réduits pour l’année 2012. Je préfère réduire le financement de choses dont l’utilité n’est pas avérée. J’annoncerai en septembre le détail de ces décisions budgétaires » a fait savoir Aurélie Filippetti. La réforme annoncée et la perspective d’un budget réduit ont eu déjà pour effets de provoquer de vives tensions internes au sein de l’Hadopi, où les débats se font houleux, avec l’entrée au sein du collège de Didier Mathus (ancien député socialiste) et de Christian Phéline (nommé par la Cour des comptes), tous deux adversaires de la loi Hadopi et de ses procédés. Et les inquiétudes s’amplifient parmi le personnel de la rue du Texel face à la probable réduction des coûts de fonctionnement pour l’an prochain, d’autant qu’une trentaine d’agents contractuels (soit la moitié des effectifs) ont des contrats se terminant en 2013.