Loi Création et Internet : débats mouvementés à l’Assemblée
Les députés ont entamé le 11 mars l’examen du projet de loi Création et Internet. Mais les débats ont été quelque peu mouvementés et ont avancé à un rythme d’escargot. Aussi les 5 séances qui y ont été consacrées – deux le 11 mars et trois le 12 mars – n’ont pas été suffisantes pour examiner les 11 articles du texte et les 441 amendements déposés (dont 305 concernent l’article 2 relatif aux missions et prérogatives de la Haute autorité). Les débats ne reprendront que le 31 mars – d’autres sujets étant inscrits à l’ordre du jour – pour se poursuivre les 1er et 2 avril. Le gouvernement ayant déclaré l’urgence sur ce texte de loi, il ne donnera lieu qu’à une seule lecture.
Le Gouvernement défend le texte…
La ministre de la Culture Christine Albanel a tout d’abord dû défendre point par point le projet de loi devant les députés. « Il ne prétend pas, bien entendu, éradiquer complètement ce phénomène de masse que constitue le piratage des œuvres culturelles sur internet. Sa vocation est plutôt de contribuer à une prise de conscience, à l’installation d’un état d’esprit nouveau chez les internautes, à l’égard de la diversité culturelle et des conditions économiques et juridiques indispensables à sa préservation » a expliqué la ministre, en ajoutant que « tant que le piratage continuera, l’offre légale n’aura pas les moyens de se développer ». Pour le Snep, « ce texte fixe un cadre qui, loin d’être archaïque ou taillé sur mesure pour quelques acteurs de la filière musicale, doit permettre l’essor harmonieux des offres légales de musique sur Internet ou le maintien d’une création aujourd’hui en péril » assure le syndicat qui voit dans Création et Internet « une loi légitime ». « Plus de dix mille professionnels anonymes, artistes, créateurs, qui appellent à soutenir la loi, l’ont compris » met en avant le Snep, en faisant référence à la pétition « l’Appel des 10 000 » publiée au moment de l’examen de la loi.
Les socialistes s’y opposent…
Christine Albanel s’est heurtée à une vive résistance des députés socialistes, qui – insistant sur l’échec de la loi DADVSI et le non respect de l’obligation faite au Gouvernement d’en réaliser un rapport d’évaluation – ont dénoncé « une nouvelle ligne Maginot » et réaffirmé leur opposition à une suspension provisoire de l’accès internet et leur préférence pour un système d’amende. Usine à gaz, disproportionné, liberticide, techniquement irréaliste, inefficace, infondé, furieusement ringard, pari perdu d’avance, bourbier juridique… les qualificatifs critiques n’ont pas manqué, tant sur la riposte graduée que sur la mise en place de la Haute autorité ou encore sur l’absence de pistes de financement de la création. « « Financer la télévision publique grâce aux fournisseurs d’accès : c’est contre nature. Ensuite, le coût énorme pour les FAI s’ajoute au coût de la Haute Autorité. En mettant bout à bout ces trois ressources, l’on assurerait un financement de la musique bien au-delà des désordres actuels » estime le député Christian Paul.
Le consensus évoqué par la majorité lors du Midem a bel et bien volé en éclat. De nombreux propositions ont été exprimées au cours des débats : sur le partage des rémunérations et leur transparence, sur l’offre légale, sur le financement de la création, la contribution des fournisseurs d’accès et des internautes… La plupart rejetées par le Gouvernement. Le PS a par ailleurs dénoncé le « lobbying gouvernemental », en référence au site jaimelesartistes.com (qualifié de « propagande officielle ! ») et à la lettre électronique adressée quotidiennement par le ministère de la Culture à chaque parlementaire pour expliquer le projet de loi. « Le nom même de la campagne « j’aime les artistes » nous scandalise. Il vise à nous faire croire que le débat se situe entre ceux qui aimeraient et ceux qui n’aimeraient pas les artistes » déclare Patrick Bloche. Christine Albanel a réagi violemment à la « caricature insupportable » faite à l’Hadopi par les socialistes. « Vous présentez cette haute autorité comme une instance policière, dangereuse, qui veut attaquer les libertés, c’est honteux…. ».
Loin de la belle unanimité qu’avait rencontré le texte au Sénat en octobre dernier, les débats dans l’hémicycle ont cette fois été mouvementés. Au menu : joutes verbales, suspensions de séance, rappels au règlement, échauffourées, avec quelques dérapages en bonus.
Ci-après le point sur les débats et les amendements présentés la semaine dernière.