Loi Création et Internet : le point sur les débats (3)
(suite)
L’idée d’une contribution créative rejetée…
« Vous avez un temps de retard » a lancé Patrick Bloche, en plaidant pour « de nouveaux modes de financement de la création à l’ère numérique ». L’amendement n° 444, qu’il défendait, avait pour objectif d’instituer une « contribution créative » forfaitaire payée par tous les internautes et alimentant un fonds de rémunération des auteurs, en contrepartie de la liberté d’échanger des œuvres numériques à loisir. « Nous sommes persuadés que la contribution créative permettra de mieux rémunérer les auteurs et les artistes que les offres commerciales actuellement existantes dans lesquelles nous savons bien qu’ils ne trouvent pas leur compte » a déclaré le député PS. Franck Riester et la ministre de la Culture y ont aussitôt vu un retour de la licence globale. « Nous légiférons sur un nouveau texte sans réelle étude d’impact préalable puisque les seules études dont nous disposons sont celles réalisées par les sociétés intéressées au sujet », insiste Martine Billard, qui souligne que l’amendement propose justement une étude sur la question, tandis que Didier Mathus précise que « la licence collective étendue repose sur le volontariat des auteurs qui pourront choisir de se retirer du système ». L’amendement n’a pas été adopté.
… comme celle d’un fonds de soutien à la création musicale
Dans la foulée, Patrick Bloche a présenté l’amendement n° 443, qui propose la mise en œuvre d’un fonds de soutien à création musicale, qui viserait tout particulièrement les labels indépendants. « Une concertation avec l’ensemble des acteurs de ce secteur devra être organisée et un rapport présenté au Parlement avant le 31 octobre 2009 », avant de légiférer. Le gouvernement a rendu un avis défavorable et l’amendement n’a pas été adopté. La ministre de la Culture a cependant précisé qu’elle n’était pas hostile à ce qu’une réflexion d’ensemble s’engage ultérieurement « afin d’étudier toutes les modalités permettant de soutenir au mieux les créateurs ».
Zapping sur les autres moyens de financement d’Internet
Dans la même lignée, l’amendement n° 439 – lui aussi rejeté – proposait que les autres moyens de financement d’Internet fassent l’objet d’un rapport. Didier Mathus, qui le défendait, a critiqué au passage la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques compensée par la taxation des FAI, y voyant « un racket d’État » et un « détournement de fonds ». Pour le député socialiste, « cette recette, qui représente tout de même beaucoup d’argent, aurait été mieux employée pour financer la création sur Internet ».
Pas de mécanismes prévus pour une meilleure répartition des rémunérations
Les amendements 445, 394 et 419 ont fait l’objet d’une discussion commune. Le premier, soutenu par Patrick Bloche, entendait permettre une meilleure répartition des recettes publicitaires, s’agissant des sites gratuits de téléchargement légal financés par la publicité. Le deuxième, défendu par Alain Suguenot (UMP), visait à responsabiliser les fournisseurs d’accès « pour qu’ils puissent participer à la rémunération » et à « compenser le manque à gagner lorsqu’il y a diffusion de messages publicitaires associée à celle d’un contenu protégé ». Enfin, le troisième – présenté par Jean-Pierre Brard – voulait prévoir « au bénéfice des artistes interprètes, une rémunération attachée à leur personne, du fait de l’utilisation de l’impact commercial de leur interprétation comme outil de vente d’espaces publicitaires en ligne », pour combler l’insuffisance de leur rémunération pour l’utilisation de leurs prestations en ligne, par rapport au volume total des recettes perçues. La ministre de la Culture, et le rapporteur du projet de loi, ont rendu un avis défavorable à la mise en place de tels mécanismes, renvoyant à une réflexion globale sur la question de la rémunération des ayants droit. Les trois amendements ont été rejetés.
Une licence légale ? Prématurée…
Jean Dionis du Séjour (Nouveau Centre) a défendu les amendements n° 215 rectifié et n° 412, visant à instaurer un système de licence légale déjà utilisé pour la diffusion des œuvres musicales sur les radios (rémunération équitable). Franck Riester s’est dit, lui aussi, convaincu de la nécessité de trouver un modèle économique pérenne pour les sites de streaming, mais estime que la mise en place d’une licence légale, telle que proposée, risquerait de perturber l’émergence de ce nouveau marché de l’offre légale commerciale sur Internet. Avis partagé par Christine Albanel qui juge cette proposition « en l’état et en l’absence d’étude d’impact approfondie, prématurée ». Les deux amendements n’ont pas été adoptés.