Loi Création et Internet : le point sur les débats (5)
Pluie de critiques sur l’article 2
L’article 2 du projet de loi a fait l’objet de nombreuses critiques. Lionel Tardy (UMP) a fustigé « cette mauvaise habitude française de multiplier les structures administratives – autorités indépendantes, commissions, hauts conseils et autres observatoires ». Pour le député, la mise en place de l’Hadopi « brouille la lisibilité de l’action publique » et constitue « une usine à gaz procédurale ». Et de rappeler que la date limite de l’appel d’offres pour le prototype du système d’information (on parle de 1000 mails, 300 lettres recommandées et 100 suspensions à traiter par jour, en rythme de croisière) est fixée au 3 avril, date à laquelle le Parlement n’aura pas fini l’examen du texte et le Conseil constitutionnel ne se sera pas encore prononcé. « Cette usine à gaz sera donc mise en place dans notre dos, avant notre vote », dénonce Lionel Tardy, en évoquant par ailleurs le « coût faramineux » de l’Hadopi. Christian Paul est tout aussi critique. Il considère l’article 2 du texte comme un « monstre juridique », qui met en place un « dispositif contraire à l’Etat de droit : absence de procédure contradictoire dès la première recommandation, non-application de la présomption d’innocence et difficultés d’imputation de la responsabilité du délit ».
Pour Patrick Bloche, la création de la Haute autorité « aboutit à une gabegie financière » et le « caractère aléatoire des sanctions » constitue une « rupture manifeste d’égalité de nos concitoyens devant la loi ». Il a défendu l’amendement n° 404, qui stipule que « le droit à un procédure équitable doit être respecté en toutes circonstances par la Haute autorité ». Amendement jugé inutile par Franck Riester – qui indique que les internautes sanctionnés auront la possibilité de former, devant le juge judicaire, un recours pouvant être suspensif – et qui n’a pas été adopté.
Deux amendements de suppression de l’article 2, n° 338 et 403, ont été soutenus. Le premier par Jean-Pierre Brard, qui a vivement critiqué l’industrie du disque. « La création artistique, libérée des contraintes commerciales, doit être encouragée par la possibilité de court-circuiter les majors, de dépasser leur politique frileuse de standardisation à grand renfort de campagne de marketing » a-t-il déclaré dans l’hémicycle en lançant à la ministre de la Culture : « Vous êtes la sentinelle de ces groupes mercantiles ! ». Ambiance… Le député a donc proposé la suppression de l’article 2, « au nom de la défense de la liberté de la création et de la capacité pour notre monde à se renouveler ».
Démarche similaire pour Christian Paul, à travers l’amendement 403. Il a évoqué « l’absence de garanties procédurales solides » et le coût de l’Hadopi, demandant à Christine Albanel une évaluation officielle du coût de fonctionnement de cette Haute autorité. « C’est le prix de la confidentialité, de l’exigence française en matière de lutte pour la protection des droits d’auteur » lui répond la ministre.
Suite des débats le 31 mars, les 1er et 2 avril…