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Le Parlement européen rejette la riposte graduée

13 Avril 2008 , Rédigé par Gildas Lefeuvre Publié dans #Politiques culturelles


Coup dur pour le projet de loi Olivennes sur le point d’être présenté au Parlement français : la majorité des eurodéputés ont dit non à la riposte graduée, estimant l’éventualité d’une coupure de l’accès Internet contraire à plusieurs droits fondamentaux.

Le Parlement européen a adopté le 10 avril en séance plénière (à 575 voix pour et 52 contre) un rapport d’initiative sur les industries culturelles en Europe dans lequel il appelle à « assurer le respect et la protection de la propriété intellectuelle », tout en considérant que « la criminalisation des consommateurs qui ne cherchent pas à réaliser des profits ne constitue pas la bonne solution pour combattre le piratage numérique ». Les parlementaires des 27 pays membres ont du même coup adopté – par 324 voix contre 297 - un amendement déposé le 2 avril par une douzaine de députés dont le suédois Christofer Fjellner et le français Michel Rocard, appelant à « éviter l’adoption de mesures allant à l’encontre des droits de l’homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d’efficacité et d’effet dissuasif telles que l’interruption de l’accès à internet ». Le texte a été soutenu par l’ensemble des députés suédois dont le gouvernement avait rejeté fin mars une proposition calquée sur le projet de loi français qu’il a jugé « liberticide ».

 

Une mesure jugée disproportionnée

Au cours des débats, le français Guy Bono, rapporteur parlementaire, s’est dit fermement opposé « à la position de certains Etats membres dont les mesures restrictives sont imposées par une industrie qui n’a pas su s’adapter », estimant que la coupure de l’accès internet est disproportionnée. « C’est une sanction aux effets puissants, qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l’accès Internet est un droit impératif pour l’inclusion sociale » explique-t-il. Le député français (Parti Socialiste Européen) propose, dans le second rapport, de : créer une « task force » pour la culture et l’économie créative chargée de proposer des mesures concrètes pour les encourager ; mettre en place un programme similaire au programme MEDIA afin de soutenir les industries culturelles ; appliquer des crédits d’impôts et des taux réduits de TVA à tous les produits culturels ; enfin, garantir la mobilité transfrontalière des artistes.

 

Des effets perturbateurs

Hervé Rony, directeur général du Snep, a qualifié de « déplacé et inacceptable » l’amendement adopté, y voyant « une manœuvre de certains parlementaires socialistes visant à empêcher le Parlement français de délibérer tranquillement sur cette question ». Pour Yvon Thiec, délégué général d’Eurocinéma, une telle position « jette une forme de suspicion sur les industries culturelles ». De son côté, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir a salué « la lucidité des députés » et considéré que « le Parlement européen a condamné la surenchère répressive à la française ». Il s’agit là d’un coup dur pour la filière musicale et le gouvernement français après la signature des accords Olivennes qui ont suscité un projet de loi anti-piratage sur le point d’être présenté au Parlement dans l’Hexagone et dont justement, la coupure de l’accès internet est la mesure-phare.

Si le texte adopté est non contraignant, il n’en a pas moins une portée symbolique et constitue une condamnation morale de la riposte graduée prévue par la France. Laquelle doit assurer, rappelons-le, la présidence de l’Union au second semestre. On voit mal l’adoption en force d’un projet de loi déjà rejeté par une majorité des parlementaires européens. En tout cas, si elle passe, ce sera dans un climat difficile. Le collectif « La Quadrature du Net », qui a écrit aux eurodéputés pour les sensibiliser sur les risques de la riposte graduée, invite d’ailleurs le Premier ministre François Fillon « à prendre acte de ce vote, et, par conséquent, à ne pas déposer devant le Parlement français le projet Olivennes. Mais, malgré le désaveu européen, la France persiste et signe. Le ministère de la Culture ne compte rien changer : le texte sera bien présenté devant nos parlementaires d’ici quelques semaines.

 

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