La musique est-elle un bien marchand comme les autres ?
La musique est-elle un bien marchand comme les autres ? C’est la question que pose Guillaume Champeau sur le site Numerama dans le cadre d’un article titré « Les Sacem européennes se battent pour garder leur monopole » (http://www.numerama.com/magazine/10174-Les-Sacem-europeennes-se-battent-pour-garder-leur-monopole.html). Datant du 4 juillet, soit avant l’annonce de la décision de la Commission européenne de mettre fin aux monopoles des sociétés d’auteurs nationales, il n’en reflète pas moins l’ambiguïté des argumentions. Peut-on souhaiter – comme Steve Porter, président de la MCPS-PRS – que la question des licences multi-territoriales soit laissée au développement du marché et, dans le même temps, s’offusquer que le secteur soit soumis aux règles de la concurrence ? D’où l’intérêt de la question posée par Guillaume Champeau, dont nous reproduisons ci-dessous quelques paragraphes :
« La Direction générale de la Concurrence perçoit la concurrence comme la seule solution à tous les problèmes, et elle essaye de faire passer les sociétés d'auteurs pour des 'monopoles' en nous faisant du tort », s'étrangle l'ECSA dans un communiqué. « Si, comme la Direction générale de la Concurrence semble le suggérer, les Sociétés reçoivent l'ordre de « se faire concurrence » à travers les frontières sur le prix, tout le système va s'effondrer », prévient l'organisation. « Les grands ayants droit vont retirer leur répertoire et les placer dans une agence, ou vont chercher à les mettre eux mêmes sous licence ».
Les craintes des auteurs et des compositeurs sont bien sûr fondées. Mais il faut choisir. Soit les artistes et les professions musicales dans leur ensemble sont en dehors du commerce. Soit elles y sont de plein pied. On ne peut pas constamment jouer sur les deux tableaux.
Lorsque les labels et les sociétés de gestion collective demandent le respect des droits d'auteur, c'est le respect de la propriété intellectuelle qu'ils demandent. Or la propriété appartient au domaine du commerce et du marché. Lorsqu'ils refusent une licence globale pour conserver la faculté de négocier des accords privés exclusifs avec les fournisseurs d'accès ou les services de musique en ligne, c'est les règles de la concurrence et du marché qu'ils demandent, pour mieux rejeter une économie « socialiste » de la musique. Lorsqu'ils imposent des DRM sur les chansons vendues aux consommateurs, c'est la liberté de contracter et de faire respecter les contrats de licence par une machine qu'ils demandent. C'est encore une fois le marché et la libre concurrence.
Soit la musique est une profession commerciale comme les autres, qui doit accepter d'être soumise y compris aux dures règles de la libre concurrence qui sont là pour protéger le consommateur. Soit elle veut un statut à part, et il n'y a alors aucune raison pour qu'elle continue à agir comme si la musique était un bien privé qu'il fallait à tout prix protéger du « vol », en s'attaquant aux consommateurs qu'elle refuse de protéger ».