Vers un nouveau statut des agents et managers
La question du statut du manager est en passe de connaître une avancée importante avec le projet de réforme du statut d’agent artistique, actuellement débattu au Parlement.
Rappelons qu’il n’existe en France aucun statut du manager, si ce n’est un statut par défaut. En effet, la loi stipule que lorsqu’on a mandat de représenter plus de deux artistes au cours d’une même année civile, l’activité relève de celle de l’agent artistique dont le statut est, lui très encadré : obligation d’une licence, exercice restreint au « placement d’artistes » (recherche d’engagements professionnels, soit de contrats de travail), rémunération plafonnée à 10 %, incompatibilités avec d’autres métiers du secteur…
« La définition très restrictive de cette profession ne s’appliquait en rien au conseil en développement de carrière tel que nous l’exerçons, davantage tourné vers la promotion et la représentation de l’artiste auprès de ses partenaires ; dès lors, le manager échappait à toutes les contraintes encadrant l’exercice du métier d’agent, mais a contrario ne bénéficiait pas de la reconnaissance professionnelle liée à l’existence d’un statut » explique Christophe Soulard, vice-président de MMF France, le syndicat des managers.
Les grands axes du texte
Le texte du projet de réforme, voté dernièrement à l’Assemblée nationale et qui sera soumis au Sénat courant juin, devrait totalement modifier cette situation et affecter profondément l’exercice du métier de manager. Il s’articule autour de trois idées fortes :
- la redéfinition du métier d’agent artistique et son élargissement. Le texte propose la définition suivante : « L’activité d’agent artistique, qu’elle soit exercée sous l’appellation d’imprésario, de manager ou sous tout autre dénomination, consiste à recevoir mandat à titre onéreux d’un ou de plusieurs artistes du spectacle aux fins de placement et de représentation de leurs intérêts professionnels ».
- - la suppression des incompatibilités professionnelles inhérentes au statut d’agent artistiques (entrepreneur de spectacles, édition, fabrication d’instruments de musique, etc.) Sera conservée l’incompatibilité avec l’activité de producteur cinématographique ou audiovisuel. MMF souhaite cependant que celle-ci soit limitée, « car nombre de managers aujourd’hui se retrouvent producteurs de vidéoclips, d’EPK ou de captation de concerts dans le but d’assurer la promotion de leurs artistes aux premiers stades de développement ».
- La modification du plafond et de l’assiette de rémunération de l’agent. Jusque-là plafonnée à 10% des « cachets et appointements mensuels » perçus par l’artiste, elle devrait être désormais assise sur l’ensemble des rémunérations de l’artiste et son pourcentage fixé par décret, après consultation des organisations professionnelles représentatives (vraisemblablement entre 15 et 20 %).
A noter que la licence restera obligatoire mais sera de droit et non plus attribuée par une commission du Ministère chargé de l’Emploi (le placement étant un monopole d’Etat, dévolu à l’ANPE) après examen du dossier.
Ce statut allégé « apportera une légitimité et une visibilité nouvelles aux managers du monde de la musique au sein de la filière et confortera leur position », estime MMF qui dit rester vigilant sur tous les sujets qui feront l’objet d’une règlementation ultérieure, notamment la fixation du pourcentage et la définition de l’assiette de la rémunération, mais aussi les modalités du contrat de mandat qui définira les relations entre artiste et manager.
Transposition de la directive européenne sur les services
Cette réforme entre dans le cadre de la directive européenne 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur européen, dite directive « Services » (ex-Bolkenstein), qui suit un processus de transposition en droit français à travers la mise en place de plusieurs lois, décrets et arrêtés selon les secteurs d’activités concernés.
Concernant la profession d’agent artistique, si l’obligation de demande de licence n’est pas encore levée, le ministère du Travail a déjà décidé de ne plus convoquer la commission d’attribution des licences. Actuellement, toute demande est automatiquement attribuée au demandeur (la loi actuelle prévoit qu’une non-réponse vaut accord) et, à terme, la seule obligation sera simplement de s’inscrire sur un registre national des agents artistiques.
Concernant la question de la rémunération de l’agent, un plafond maximal sera précisé par décret. Le Syndicat français des agents artistiques et littéraires (SFAAL) demande l’établissement d’un seuil minimal pour éviter dumping ou concurrence déloyale, le Syndicat des agents de variétés souhaite que la rémunération puisse atteindre jusqu’à 20%, mais certains syndicats d’artistes craignent que ceux-ci soient spoliés par les barèmes fixés par décret.