Rapport Phéline : un constat sévère et des mesures en perspective
Christian Phéline a rendu le 18 décembre à la ministre de la Culture son rapport (très attendu) sur le partage de la valeur de la musique à l’ère numérique. Au menu : un état des lieux sans concession des pratiques contractuelles (entre plateformes et producteurs, entre producteurs et artistes) et des propositions sur les voies de régulation nécessaires. Le document, une somme inédite sur ces aspects, dresse un constat sévère, particulièrement pour les producteurs phonographiques, d’un secteur dénué de transparence et aux pratiques opaques. Faute d’autorégulation, la mission Phéline recommande d’imposer par la loi l’encadrement des pratiques et la gestion collective de la musique en ligne. Compte-tenu de l’importance de ce rapport et de son incidence pour le futur de la filière, GL Connection y consacre plusieurs pages, suivies des réactions – enthousiastes ou très critiques – des parties concernées.
Conseiller-maître à la Cour des comptes, rapporteur général de la Commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits, membre du collège de la Hadopi, Christian Phéline avait été chargé de cette mission par la ministre de la Culture le 30 août dernier. S’appuyant sur une large consultation des professionnels concernés (82 ont été auditionnés, experts ou représentants de 40 organismes et sociétés) et sur une analyse des études disponibles, le document (140 pages) dresse dans sa première partie un état des lieux des pratiques contractuelles entre plateformes et ayants droit d’une part, entre producteurs et artistes d’autre part.
Dans sa seconde partie, la mission Phéline formule des propositions pour mieux réguler les relations économiques entre les différents acteurs et garantir la diversité artistique, explorant aussi bien les voies relevant de la négociation collective que les mesures législatives susceptibles d’être inscrites dans le projet de loi sur la création dont ce rapport est destiné à orienter la rédaction. Si le ministère de la Culture souhaite « privilégier la négociation entre les acteurs du secteur », le message est clair : à défaut de celle-ci, il faudra « prendre des dispositions législatives pour protéger les parties les plus faibles », notamment instaurer par la loi la gestion collective des revenus du numérique, avec pour objectif de garantir un égal accès au marché pour tous.
Après les préconisations des rapports qui se sont succédés ces dernières années (mission Olivennes, mission Zelnik, mission Hoog et ses « 13 engagements », mission Selles, mission Lescure), dont les plus sensibles sont restées lettre morte, la pression se fait manifestement plus insistante « pour réguler le développement d’un secteur menacé par des déséquilibres économiques majeurs au cas où les acteurs échoueraient dans la voie d’une régulation volontaire » (dixit Pierre Lescure). Ce qui semble prévisible, compte-tenu des réticences et oppositions persistantes affichées jusqu’ici par les producteurs. Faut-il s’attendre à un durcissement des tensions, ou croire encore à un revirement de position ? Les fêtes de fin d’année n’ont sans doute pas été joyeuses pour tout le monde. En tout cas, bonne année 2014…
Sur les relations contractuelles producteurs/plateformes
La mission Phéline constate des situations asymétriques des deux côtés (des plateformes qui ont un rapport de force en leur faveur sur des producteurs, et des producteurs qui imposent leurs conditions à de petites plateformes) avec pour conséquence, une déformation de l’accès aux grands services de streaming et de téléchargement, et une déformation des revenus qui en sont tirés. Le rapport met en cause la domination des grosses maisons de disques (majors et grands indépendants) sur les négociations, leur influence déterminante sur les prix et la viabilité économique des plateformes, et l’incapacité des plus petits à obtenir des rémunérations correctes, notamment sur le streaming.
Il pointe aussi l’ambiguïté résultant des prises de participation directes ou indirectes des plus importants producteurs dans le capital des plateformes (majors et Merlin, qui représente les catalogues indépendants, au sein de Spotify, Deezer dont l’un des principaux financeurs est la holding Access Industries qui contrôle Warner depuis 2011, la relation entre Deezer et Orange…) « qui suscite une forte disparité et un doute sur l’équité des plateformes concernées dans le traitement qu’elles réservent à leurs différents fournisseurs ».
Autres constats : l’abus des offres gratuites ou en freemium qui minent le « consentement à payer » et les incertitudes du streaming (un modèle d’avenir selon l’Upfi, mais qui reste soumis à des fluctuations) ; une déstabilisation majeure de la gestion des droits d’édition (dans le numérique, la part propre aux éditeurs est environ 15 fois inférieure à celle des producteurs, pour 9 fois dans le commerce physique) ; la fragmentation des droits en matière de gestion collective, « lourdement préjudiciable au processus d’autorisation des plateformes » ; le bilan mitigé des « 13 engagements » issus de la mission Hoog ; la contestation des principales pratiques contractuelles constatées (la brièveté excessive des contrats, généralement d’un an, la question des avances, minima garantis ou garanties de chiffre d’affaires demandés par les producteurs, les exigences d’éditorialisation et de promotion) ; le risque d’une concentration drastique autour de seuls acteurs mondialisés ; tout comme la « mortalité inquiétante » des plateformes : dépôts de bilan (Jiwa, Airtists, MXP4, Allo Music…), cessation d’activité (Fnac.com, Yahoo Music, Beezik, SDR, Virgin Mega…) et sociétés en difficulté (Awdio, MusicMe, Mondomix, Jamendo, Goom…).
« La capacité de maintenir une offre diversifiée autour d’autres services capables d’accéder à une taille critique et à l’équilibre de leur exploitation constitue donc un enjeu décisif » souligne la mission. Parmi les propositions et revendications rapportées : des aménagements au calcul de la rémunération du streaming (lisser l’effet des pointes d’écoute les plus massives et assurer une prime à la nouveauté, le streaming assurant une rémunération identique à chaque écoute, qu’il s’agisse d’un titre récent ou de catalogue ancien) ; un système partagé d’identification des œuvres ; la transparence sur les données des exploitations numériques et les coûts qui s’y attachent ; la nécessité d’une procédure intelligible et véritable de la cascade des reversements aux ayants droit. Tout en rappelant que les principaux fournisseurs de catalogues n’ont toujours pas publié leurs conditions générales de vente (CGV) comme le prévoyait le 1er des 13 engagements.
Quant aux normes de partage pour l’avenir, « les positions sont antagoniques » : l’Upfi table sur une division par 2 de la part des éditeurs de services (qui passerait de 26,4% en moyenne actuellement à 15% de marge brute) à l’horizon 2018, tandis que l’ESML vise un partage à 50/50 entre plateformes et ayants droit.
Sur les relations contractuelles producteurs/artistes
La mission Phéline fait état de constats quantitatifs divergents, les études produites par le Snep, l’Upfi et l’Adami présentant des « résultats d’apparence très contradictoires sur le partage de la valeur entre producteurs et artistes », selon les éléments pris en compte : modes de rémunération, assiette (CA net artiste, PGHT ou recettes brutes), prise en compte ou non des abattements, populations observées différentes. Elle souligne de « probables et importantes disparités de pratiques et de situations » et, au-delà des taux, une interrogation sur les montants nets impartis à chacun des acteurs.
Le rapport s’attarde sur la pratique des abattements, jugés facteurs de déséquilibre contractuel aux dépens des artistes. « De l’avis général, bien plus que le taux facial de redevance, les clauses contractuelles d’abattement constituent, par leur diversité, leur fréquente opacité et leur incidence économique, la partie la plus substantielle, la plus longue et la plus difficile des négociations contractuelles. C’est aussi principalement à travers le recours à de nouveaux abattements, plutôt que par les taux, que les producteurs ont tendu à s’adapter aux évolutions des techniques et des marchés (campagne de publicité intensive, recettes en provenance de l’étranger, conditionnements spéciaux, opérations spéciales, … ) dans le but de faire participer l’artiste aux frais inhérents à ces innovations. De fait, l’application des abattements peut notablement réduire la rémunération de l’artiste » souligne le rapport, qui relève que « les représentants des principaux producteurs tendent soit à justifier ces pratiques, soit à en nier l’existence ou l’ampleur, soit à minimiser les disparités qu’elles induisent ».
Les représentants des artistes attirent l’attention de la mission Phéline « sur la totale ignorance dans laquelle ils sont tenus concernant les aides que les producteurs mobilisent en soutien à leurs investissements d’enregistrement et de promotion, aussi que la part des ressources d’avances ou de minima garantis obtenus des utilisateurs qui excède les recettes d’exploitation effective des œuvres. Les propositions faites (dans le cadre de la mission Hoog et dans le celui de la mission Lescure) pour que les artistes en bénéficient également sont restés lettre morte.
Pour la mission, la spécificité de l’exploitation numérique (frais techniques, frais de reporting, gestion des métadonnées, etc.) gagnerait à être étayée par une évaluation précise et totalement transparente, d’autant que nombre de représentants d’artistes font valoir que, d’une part les charges propres au numérique sont par nature déjà couvertes par la part prépondérante que conserve au producteur le taux de rémunération des artistes et que, d’autre part, l’économie induite par la disparition des très lourdes dépenses liées au physique devrait légitimement être partagée entre chacune des parties.
« La pratique contractuelle devrait plutôt tendre à ce que le partage final de la valeur sur les nouvelles exploitations s’opère en référence à une justification objective et transparente de la part de charges fixes mise à la charge de ce segment du marché et des frais spécifiques qui lui sont objectivement imputables, et en prenant dûment en compte dans son assiette les aides à l’édition phonographique ainsi que les avances et minima garantis propres à l’exploitation numérique » considère Christian Phéline. Il juge en outre souhaitable que le partage ainsi visé s'exprime directement dans le taux de rémunération, en limitant strictement les clauses d'abattements à des dépenses additionnelles, distinctes de ces charges et frais normaux, et dûment vérifiables.
Des impératifs de transparence
Les débats sur la légitimité de certaines clauses contractuelles pointent le manque de transparence entretenu sur diverses variables essentielles de l’exploitation phonographique, opacité qui concerne la réalité des investissements de promotion, les frais réels de la gestion numérique, les ressources issues des utilisations à l’étranger, ainsi que les avances ou aides tenues à l’extérieur des contrats « alors qu’elles gouvernent de manière substantielle l’économie de la filière ». Selon le rapport, cette opacité « entretient un climat de suspicion et des attitudes de revendication parfois insuffisamment informées qui ne sont certes pas propices à une évolution des pratiques contractuelles assurant un traitement équitable de l’ensemble des acteurs dans une phase critique de mutation des modèles économiques ».
Les impératifs de transparence concernent aussi les relevés individuels de redevances, jugés « à la fois surabondants et elliptiques ». Les exemples fournis à la mission, sous forme anonymisée, de contrats d’artistes et des relevés de droits qui leur correspondent, « suffisent à constater que, même une prestation lourde d’assistance juridique et comptable ne permet pas de comprendre le lien entre ces deux types de documents dans le calcul des royalties ». Ni ne permet d’identifier l’origine des recettes unitaires et de vérifier l’application des clauses contractuelles de taux et d’abattements. Pour la mission Phéline, « le rétablissement d’une relation plus confiante entre les artistes et leurs producteurs appelle l’établissement concerté de normes propres à simplifier les contrats et les relevés de redevances, comme à faciliter une compréhension sans équivoque de l’incidence des clauses discutées et la possibilité d’un contrôle effectif de la sincérité de leur application ».
Le rapport évoque aussi « l’inégalité de départ des pouvoirs de négociation ». Si les modèles de contrats peuvent être ouverts à de multiples aménagements, cela reste plus théorique que réel : les clauses nouvelles qui font leur apparition sont de fait une condition sine qua non de l’accès à l’enregistrement et la possibilité de renégocier des clauses en cours de carrière reste rare. Quant à annuler ou réformer des clauses abusives par voie contentieuse, « c’est exclu par la situation de dépendance économique dans laquelle sont placés la très grande majorité des artistes ».
Le 360° et le prélèvement sur les autres droits et ressources des artistes
La tendance des producteurs au prélèvement sur les autres droits et ressources des artistes (notamment pour se rembourser les avances) dénote « un significatif déplacement du rôle du producteur et de sa prise de risque (…) pour chercher à se garantir de manière croissante sur des ressources d’activités dans lesquelles il n’est pas lui-même investisseur » observe la mission. Elle considère aussi que, sous sa forme dite « passive », la pratique déjà fortement développée de contrats dits « à 360° » est aussi lourde de conséquences pour les artistes dans l’étendue de leurs cessions de droits que dans les limitations apportées à la liberté de leur activité, en soulevant en outre des interrogations sur sa légalité : perception exclusive par les producteurs des droits secondaires (merchandising, endorsement), cession des droits à l’image, reversement d’une fraction des revenus perçus par l’artiste pour ses prestations scéniques ou ses droits d’auteur. Ou encore la tendance à réserver au producteur une partie de la commercialisation de la billetterie qui « pourrait constituer un abus de position dominante ».
« L’ensemble des clauses de prélèvement sur des ressources extérieures à l’exploitation phonographique ont des effets pervers tels qu’il apparaît souhaitable et urgent, afin de préserver les intérêts des artistes, de les limiter strictement et de les conditionner à des contreparties réelles » conclut le rapport qui préconise un encadrement des pratiques de prélèvement sur des droits et recettes connexes : obligation d’exploitation effective des cessions de merchandising sous peine de perte de l’exclusivité ; respect de la réglementation des agences de mannequins pour l’exercice des droits de la personnalité ; ouverture de négociations collectives avec les représentants des éditeurs ou producteurs de spectacles pour exclure toute responsabilité de l’artiste sur les reversements stipulés, définir leur assiette et leur taux plafond, fixer la contrepartie incombant aux producteurs phonographiques, par exemple en termes de participation aux investissements de ces secteurs.
Est aussi évoquée la question des cessions de créance (« pierre d’achoppement sur laquelle a en définitive buté le 13e engagement issu de la mission Hoog »), clause introduite dans les contrats qui permettent aux producteurs de récupérer les avances, directement auprès de l’Adami, sur les sommes revenant aux artistes au titre de la copie privée et de la rémunération équitable, « alors que l’avance devrait normalement n’être recoupée que sur les seules ressources de l’exploitation ».
Vers une réouverture de la convention collective
Le rapport prend acte des demandes de réouverture de la Convention collective de l’édition phonographique (signée en 2008) par les syndicats Snam-CGT et SFA déposées en juillet 2013 aux ministres de la Culture et du Travail, notamment pour la mise en place de deux Commissions mixtes paritaires transversales. Il relève les contestations de principe persistantes de la Spedidam et du Samup qui estiment que la seule conclusion du contrat de travail emporte cession de tous les droits de l’artiste-interprète, ainsi que les difficultés d’application dans le secteur de la plus petite production indépendantes. « L’incertitude demeurant sur le degré d’application de la Convention collective et son incidence réelle sur la rémunération des artistes non principaux justifierait que les partenaires sociaux fassent conjointement conduire une enquête évaluant la réalité et l’incidence de sa mise en oeuvre par les différentes catégories de producteurs » estime Christian Phéline.
Mais devant la réticence des organisations de ces derniers à répondre positivement à la demande d'un réexamen prenant en compte les développements récents du marché numérique, « il appartient aux pouvoirs publics d'encourager fermement ces partenaires à adopter une attitude plus ouverte au dialogue social. Dans le même temps, ils devraient envisager toutes mesures propres à éviter que le bon aboutissement d'une telle négociation soit mis en péril par des attitudes dilatoires ». La mission invite l'ensemble des syndicats et sociétés de gestion collective représentant les artistes-interprètes à se rapprocher, sans exclusive ni préalable, pour explorer les objectifs qu'ils peuvent respectivement poursuivre en vue de mieux encadrer la rémunération des différentes catégories d'artistes et débattre à nouveau du rôle respectif qu'ils assignent aux différents cadres de négociation (convention collective, gestion collective, accords tripartites...) pour y parvenir.
Régulation des usages : les voies alternatives d’une négociation
S’agissant des relations contractuelles plateformes/producteurs, le rapport privilégie la perspective d’un code des usages, « plus pérenne et plus contraignant », qui prendrait le relais des engagements souscrits à l’issue de la mission Hoog, aujourd’hui caducs. Mais il n’exclut pas un « recours judicieux à la Loi » pour conforter l’issue d’une régulation négociée ou, au contraire, pour suppléer en partie à son échec. « L’attitude des représentants des principaux producteurs ne laisse guère d’espoir, sauf retournement décisif de leur part, que son issue soit positive », commente Christian Phéline. « S’il se confirmait, le refus par les producteurs de toute autorégulation face aux sérieuses contestations et revendications invoquées en vain, tant par les représentants des plateformes notamment locales que par ceux des diverses catégories de la production indépendante, renforcerait l’éventualité d’un examen des pratiques de ce marché au regard des principes et procédures du droit de la concurrence » ajoute-t’il.
Le rapport propose – à défaut d’autorégulation et si ces questions ne sont pas réglées par la mise en place d’un guichet unique en gestion collective obligatoire – d’insérer dans la loi (CPI) certains des principes posés par les « 13 engagements pour la musique en ligne ». Par ailleurs, la recommandation du rapport Lescure de « conditionner toute aide publique à la production et à la numérisation à la fourniture de métadonnées respectant le format proposé par le gestionnaire du registre » pourrait être étendue à la non publication par les producteurs de leurs conditions générales de ventes pour le marché numérique.
Pour la principale perspective, celle d’une gestion collective obligatoire des exploitations en ligne de la musique, plusieurs scénarii sont avancés : un guichet unique des droits voisins et d’autorisation des exploitations en ligne en gestion paritaire producteurs/artistes, un guichet unique des droits voisins gérés par les seuls producteurs, un guichet unique géré par les seuls producteurs sans rémunération collective pour les artistes, ou une gestion collective limitée à la rémunération des artistes. Le sujet est sensible et « se heurte à un refus global des producteurs, qui persistent à s’opposer à toutes modalités de gestion collective, même à celles qui ménagent leur droit d’autoriser et la négociation individualisée des contrats avec les artistes, et nient le besoin d’un tel mode de gestion en soulignant ses défauts en termes d’efficacité ou d’équité » souligne le rapport. L’instauration d’une mesure législative semble en tout cas inéluctable à défaut d’une régulation négociée des relations plateformes/producteurs et des rémunérations des artistes-interprètes.
La mission Phéline stigmatise l’attitude des producteurs. « Les représentants des principaux labels indépendants comme ceux des majors ont pour l’instant opposé une fin de non-recevoir à l’ensemble des propositions recherchant la régulation du marché et des modes de rémunération par la voie de la négociation professionnelle ou sociale » indique-t-elle, en rappelant que, par ailleurs, des écarts majeurs subsistent dans la conception que les divers acteurs de la filière se font de ce que devrait être la norme d’un équitable partage des revenus issus de la musique en ligne et de l’évolution en régime de croisière des charges respectives à prendre en compte. « Une telle situation ne peut que renforcer la nécessité de mesures législatives propres à mieux encadrer les pratiques contractuelles » considère le rapporteur.
Est également soulevée la question de la « querelle » entre l’Adami et la Spedidam, conflit qui a durablement empêché leur rapprochement, la mise en place d’un système de répartition commun et d’un accord sur le partage des sommes qu’elles doivent répartir. Leur différend s’étend même désormais à la délimitation de leurs champs de compétence respectifs à l’égard des diverses catégories d’artistes (artistes principaux et artistes musiciens. Pour la mission, « la persistance du litige entre les deux sociétés d’artistes-interprètes menace les intérêts de toute une population d’ayants droit et appelle désormais une intervention du Législateur au nom de l’intérêt général ».
Les mesures préconisées
Diverses mesures législatives sont donc susceptibles d’être inscrites dans le projet de loi d’orientation sur la création. Pour résumer, s’agissant des relations entre les producteurs phonographiques et les artistes, « afin de mieux protéger ces derniers », la mission Phéline fait notamment état des propositions suivantes :
■ Étendre aux artistes-interprètes les protections reconnues par le Code de la propriété intellectuelle aux auteurs ou en matière audiovisuelle, notamment en ce qui concerne l’obligation d’exploitation effective et la distinction des exploitations ;
■ Fixer les principes relatifs à la rémunération des artistes-interprètes pour les exploitations numériques (définition de l’assiette, recours aux abattements, obligations de compte-rendu) ;
■ Inciter à une rapide solution négociée du conflit opposant de longue date l’Adami et la Spedidam et prévoir, à défaut, « pour des raisons impérieuses d’intérêt général », l’agrément d’une société chargée d’assurer une répartition équitable aux associés des deux sociétés existantes d’artistes-interprètes ;
■ Encadrer le recours aux clauses tendant à capter les rémunérations des artistes-interprètes extérieures à l’exploitation phonographique et l’assortir de contreparties réelles ;
■ Inciter les partenaires sociaux à une négociation conventionnelle des rémunérations des artistes-interprètes pour les exploitations numériques en prévoyant, à défaut d’aboutissement dans un délai raisonnable, une gestion collective obligatoire de ces rémunérations ;
■ Étendre le régime de la rémunération équitable aux webradios non interactives ;
■ Mettre en place un médiateur spécialisé pour traiter les divers conflits contractuels en matière de musique en ligne, qui serait doté d’un pouvoir d’injonction aux parties.
Aurélie Filippetti a salué le travail de Christian Phéline et a jugé ses propositions « très prometteuses et pertinentes pour assurer une juste rémunération des artistes-interprètes dans l’univers numérique et pour soutenir la diversité de l’offre légale ». Ajoutant qu’elles « complètent utilement les travaux engagés dans le cadre de la mission conduite par Pierre Lescure qui soulignaient les difficultés et les besoins de régulation dans l’univers numérique et qui invitaient à l’ouverture d’une concertation », la ministre de la Culture et de la Communication annonce qu’après examen attentif de ces propositions, elle arrêtera ses orientations à la fin du mois de janvier. A suivre…
Le rapport est disponible en téléchargement sur le site du ministère au lien suivant : http://culturecommunication.gouv.fr/Actualites/Missions-et-rapports/Musique-en-ligne-et-partage-de-la-valeur