Rapport Lescure : les réactions des politiques
● Franck Riester, député de Seine-et-Marne et secrétaire général adjoint de l’UMP, salue le travail de la mission Lescure, mais déplore « que le principal message qui en ressorte soit la volonté de supprimer la Hadopi », proposition qu’il juge incompréhensible et s’approchant d’une incitation au piratage. « Sous prétexte de satisfaire des promesses de campagne déconnectées des réalités du secteur, le gouvernement de François Hollande prend le risque de ruiner des années d’effort et de gâcher les avancées de la réponse graduée dont il loue aujourd’hui les mérites » commente Franck Riester qui critique aussi l’idée d’une taxe sur les appareils connectées.
● Fleur Pellerin, ministre de l’Economie numérique, a salué un « très bon rapport » qui montre « à quel point le numérique offre de nouvelles perspectives pour la démocratisation de la culture » et notamment la proposition de supprimer Hadopi, « une mesure à forte portée symbolique ». Elle a néanmoins rappelé que ce n’était qu’un rapport, pas la position du gouvernement. Soulignant que la mission Lescure a bien pris en compte l’engagement présidentiel de stabiliser la fiscalité du secteur de télécommunications, déjà surfiscalisé, la ministre a ajouté qu’il n’y aura pas de nouvelle taxe qui lui soit affectée. Sur la question de la taxation, elle a indiqué qu’elle défendra une « position qui sera d’évaluer d’abord les besoins, car certains secteurs bénéficient de beaucoup moins de financements comme la photographie, le jeu vidéo, le livre », qu’elle s’intéressera ensuite à l’utilisation des taxes affectées et, en fonction, qu’elle réfléchirait à une réforme de la TST distributeur.
● Dans une tribune publiée dans Les Inrocks, Juan Branco, ancien collaborateur de campagne d’Aurélie Filippetti, déplore la « suppression d’Hadopi pour mieux en renforcer le volet répressif ». Voyant dans la mission Lescure une « opération de blanchissement dont personne n’est dupe », il estime que « le tour de passe-passe qu’il propose, en transformant la coupure d’accès à internet impossible techniquement en amende automatisée, est une entreprise de communication ».
● Pour Patrick Bloche, président de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée, le rapport Lescure « constitue une véritable boîte à idées dont les parlementaires sauront inévitablement tirer le meilleur usage ». Il se félicite de la proposition de « supprimer la sanction de suspension Internet et de la disparition programmée de la Hadopi », en regrettant cependant le simple allègement du dispositif de réponse graduée alors qu’il aurait souhaité, « compte tenu de son inutilité, sa suppression ». Le député PS de Paris dit se réjouir « que le rapport propose d’approfondir la réflexion sur la légalisation des échanges non marchands ». Quant à la proposition d’instaurer une taxe sur les appareils connectés, il considère que « si elle était retenue par le gouvernement, elle devrait être directement liée à la reconnaissance de ces nouveaux usages »
● Camille Bedin, secrétaire générale adjointe de l’UMP, déplore la perspective d’une nouvelle taxe. « Une fois de plus, l'exception française se confirme en préconisant de taxer les smartphones et les tablettes ! Alors que le pouvoir d'achat a baissé de 0,4% en 2012, une première depuis 1984, le gouvernement ne manquera pas de taxer une nouvelle fois les Français ». La taxation des nouvelles technologies pour financer la culture n’est, à ses yeux, qu’une fuite en avant.
● « Le débat a le mérite de ne plus être agressif entre les internautes et le monde de la culture », relève Christian Paul, député PS de la Nièvre, qui note du positif dans le rapport Lescure, notamment la suppression d'Hadopi (« qui a coûté cher et n'a servi à rien. Elle a fait la démonstration par l'absurde de son inutilité, il fallait clore cette période répressive mais illusoire ») et le ciblage de la répression sur la contrefaçon commerciale (« je vois entre les lignes une légalisation d'usage des échanges entre internautes »). Il se déclare plus prudent sur ce qui touche à la régulation d'internet (« il faut être d’une infinie prudence ») et très réservé à propos de la taxe sur les appareils connectes que propose le rapport : « On a passé dix ans à chasser le pirate et maintenant on s'attaque à comment on finance la production... Mais qui dit taxe nouvelle dit reconnaissance des usages nouveaux. On est déjà dans une ambiance de légalisation qui ne dit pas son nom ». En conclusion, Christian Paul juge globalement le rapport « court-termiste », car « il ne choisit pas entre le monde d'avant et le monde d'après. Mais si on le met face au rapport Olivennes, on respire. Denis Olivennes était pyromane, Pierre Lescure essaye d'être pompier, je ne suis pas sûr qu'il soit encore architecte. Aujourd'hui la balle est dans le camp du gouvernement.
● Malika Benarab-Attou, députée européenne du groupe des Verts/ALE et membre de la commission Culture, exprime sa déception : « Nous comptions sur l'abrogation de l'Hadopi et sur l'ouverture d'un vrai chantier pour l'adoption d'une législation juste et équilibrée pour les auteurs et internautes. Il n'en est rien ». Elle considère que « s'il établit un certain nombre de constats pertinents, le rapport Lescure ne s'inscrit pas en rupture avec l'approche de Nicolas Sarkozy et ne propose aucun changement de paradigme. Au contraire, il maintient la méthode de la riposte graduée et bien qu'il entrevoie l'intérêt du partage non-marchand, il ne va pas jusqu'à en proposer la légalisation. Le rapport ne propose pas davantage l'instauration d'un mécanisme de collecte et de redistribution d'une contribution à la création à laquelle participeraient internautes et fournisseurs d'accès à internet. Le numérique reste appréhendé comme un risque, pas comme une opportunité, encore moins comme une nécessité de notre époque ». Elle estime cependant que « certaines propositions vont dans le bon sens », notamment sur la gestion collective et la protection du domaine public numérique.