Parlement européen : projet de résolution sur la copie privée
La Commission des Affaires juridiques du Parlement européen a finalisé sa proposition de résolution sur les redevances pour copie privée. L’eurodéputée Françoise Castex, rapporteure du texte, considère que les contenus culturels ont un rôle crucial dans l’économie numérique et sa croissance en Europe, que « les secteurs de la culture et de la création font face à des problèmes communs relatifs au passage au numérique et à la mondialisation ainsi qu’aux difficultés de financement » et que « pour trouver les solutions à ces problèmes, une action au niveau européen est nécessaire ». Elle rappelle que le secteur culturel représente 5 millions d’emplois et 2,6% du PIB de l’Union. Le total des sommes prélevées au titre de la copie privée dans 23 des 28 Etats membres a plus que triplé depuis l’entrée en vigueur de la directive 2001/29/CE et représente aujourd’hui plus de 600 millions d’euros selon les estimations de la Commission européenne. « Les redevances pour copie privée, en période d’austérité budgétaire, constituent une source essentielle de revenus pour le secteur culturel et en particulier pour le spectacle vivant », fait valoir l’eurodéputée socialiste, qui estime que le système de copie privée est « vertueux et équilibré » et qu’il est judicieux de le préserver.
Préserver le système mais avec corrections
Un document qui a de quoi réjouir les ayants droit, lesquels avaient exprimé un vif mécontentement à la publication du rapport Vitorino remis à la Commission européenne le 31 janvier dernier. Pour autant, Françoise Castex note quelques bémols et incite à diverses corrections. Constatant les « fortes disparités » entre les systèmes nationaux (produits assujettis, niveaux de redevances…) et les distorsions de concurrence qu’elles peuvent provoquer, le texte incite les Etats membres à s’accorder sur une définition commune de la redevance copie privée, à harmoniser les modalités de négociations des barèmes et à « simplifier les procédures de fixation des redevances avec toutes les parties intéressées de façon équitable, de manière à garantir leur objectivité ».
Le rapport souligne que la redevance doit s’appliquer « à tout appareil, support et tout service dont la valeur est fonction des capacités d’enregistrement et de stockage d’œuvres à des fins privées » et recommande, dans le cas de transactions transfrontalières, qu’elle soit perçue dans l’Etat membre dans lequel le produit est placé sur le marché et de le laisser circuler librement dans le marché intérieur sans prélèvements additionnels (« la redevance pour copie privée ne peut être sollicitée par la société de perception d’un Etat membre alors qu’une rémunération de même nature a déjà été acquittée dans un autre Etat membre »).
Davantage de visibilité et de transparence
Le texte insiste sur l’importance d’une meilleure visibilité vis-à-vis des consommateurs (pédagogie, informations sur l’emballage des produits et si possible sur les factures et tickets de caisses), encourage les Etats membres et les ayants droit « à substituer à leurs campagnes anti-piratage des campagnes « positives » sur les vertus de la redevance copie privée », et incite à adopter un système plus transparent en matière d’exemption des usages professionnels. Il considère que les mécanismes d’exonération et de remboursement pour les usages professionnels mis en place dans les Etats membres « sont loin d’être satisfaisants » et effectifs, et que les décisions de justice, dans certains états, ne sont pas appliquées.
Le projet de rapport – en date du 18 septembre – invite aussi les Etats membres à davantage de transparence quant à l’affectation des sommes allouées grâce à la redevance copie privée, leur demande de « prévoir qu’au minimum 25% des sommes soit utilisés pour aider la création et le spectacle vivant » et de publier des rapports décrivant ces affectations « dans un format ouvert et des données interopérables ». Il incite par ailleurs les organisateurs de manifestations culturelles et de spectacle vivant, bénéficiaires de la redevance, à en faire davantage la publicité auprès de leur public. La députée européenne demande aussi la suppression des mesures techniques de protection « qui induisent un déséquilibre dans le système de copie privée entre la liberté de copier et la compensation équitable des ayants droit ».
Observant que malgré le développement de l’accès permanent des œuvres en ligne, la pratique du téléchargement, du stockage et de la copie privée perdure, elle estime à ce titre que la redevance pour copie privée « ne peut être remplacée par un système de licence » et souligne que, pour les services en ligne, « les autorisations contractuelles ne peuvent prévaloir au détriment de l’exception pour copie privée ». Elle considère par ailleurs que les copies privées d’œuvres protégées réalisées via des services d’informatique en nuages (le cloud computing) devraient être prises en compte. Enfin elle demande à la Commission européenne et aux Etats membres d’étudier la « possibilité d’une légalisation du partage d’œuvres à des fins non commerciales afin de garantir aux consommateurs un accès à une grande variété de contenus et un choix réel en matière de diversité culturelle ». Là, les ayants droit souriront moins…
Le projet de résolution sera présenté le 14 octobre en Commission des Affaires juridiques et pourrait être voté en janvier 2014.