Nouvelle stratégie européenne en matière de propriété intellectuelle
Le Parlement européen a adopté le 12 mai un rapport proposant des pistes d’action nouvelles « pour libérer le potentiel des industries culturelles et créatives en Europe ». Initié par l’eurodéputée Marie-Thérèse Sanchez-Schmidt, ce rapport souligne le rôle moteur de ces secteurs (la musique, du cinéma et du livre représentent 8,5 millions d’emplois et 3,3 % du PIB européen) et la nécessité de les placer au cœur d’un nouvel agenda politique en phase avec leurs besoins économiques. Il rappelle que les droits de propriété intellectuelle (DPI) sont un atout fondamental pour les créateurs et appelle la Commission européenne, comme les Etats membres, à consolider tous les canaux de financement de la création dans l’univers numérique. Parmi les actions qu’il juge nécessaires, il milite pour des instruments innovants en faveur des PME culturelles, prône la garantie d’un large accès à Internet tout en protégeant les droits et rémunérations des auteurs, et insiste sur le développement du marché intérieur des contenus « qui doit notamment être promu par un taux de TVA réduit sur les biens et services culturels, qu’ils soient diffusés en ligne ou sur support physique », se félicite Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture.
Vers un marché unique des DPI
Quelques jours plus tard, le 24 mai, à Bruxelles, la Commission européenne a présenté sa nouvelle stratégie, très attendue, sur les droits de propriété intellectuelle. Considérant qu’ils constituent un « atout manifeste » pour l’économie de l’Union, elle envisage plusieurs initiatives pour relever les défis à venir, notamment la création d’un cadre global pour les droits d’auteur dans le marché unique numérique. Elle juge « crucial de mettre en place un cadre de gouvernance pour gérer l’interface entre créateurs, utilisateurs commerciaux et consommateurs ». Pour la Commission, « la création d’un cadre européen pour l’octroi de licences d’exploitation en ligne des droits d’auteurs stimulerait grandement l’offre légale de biens et services culturels protégés dans l’ensemble de l’Union ». Elle annonce qu’elle présentera des propositions courant 2011 « en vue de la création d’un cadre juridique pour la gestion collective des droits d’auteur, qui permette une commercialisation multi territoriale et paneuropéenne des droits », et qui fixe « des règles communes en matière de gouvernance, de transparence et de surveillance effective, y compris en ce qui concerne les recettes gérées collectivement ». Cette réforme devrait prendre la forme d’une réglementation de « facilitation », qui permette l’utilisation la plus efficace possible du droit d’auteur, « qui crée ainsi les incitations requises pour favoriser la création et l’investissement » et « devrait contribuer à accroître l’étendue et la variété du répertoire proposé aux consommateurs de toute l’Union européenne ».
Etendre la durée des droits des artistes
La Commission évoque une autre approche, une réforme beaucoup plus ambitieuse, « qui consisterait à créer un Code européen du droit d’auteur et des droits voisins ». Elle pourrait également étudier « la faisabilité d’un droit d’auteur optionnel « à effet unitaire ». Outre l’harmonisation de l’assiette de calcul des redevances pour copie privée (une initiative législative globale est pressentie d’ici à 2012), Bruxelles veut « établir l’équité entre les créateurs » en offrant aux artistes interprètes musicaux une protection plus proche de celle dont bénéficient les auteurs. L’extension prévue, qui concerne les enregistrements et bénéficierait donc aussi aux producteurs, serait portée à 70 ans. La Commission a présenté une proposition en ce sens et prévoit son adoption « dans un très proche avenir ». Elle présentera aussi en octobre un rapport sur la mise en œuvre et les effets de la directive relative au droit de suite des artistes. Globalement, Michel Barnier, commissaire européen en charge du Marché intérieur et instigateur de cette nouvelle stratégie, veut défendre les DPI. « Il n’y aura pas d’investissements dans l’innovation si ces droits ne sont pas protégés. Par ailleurs, les consommateurs et utilisateurs doivent avoir un accès large aux contenus culturels. Notre but aujourd’hui consiste à trouver le juste équilibre entre ces deux impératifs, qui soit favorable aux entreprises et aux particuliers, et adapté au monde en ligne et à la concurrence mondiale des idées ».
Mieux lutter contre la contrefaçon et le piratage
La lutte contre la contrefaçon et le piratage est une autre de ses priorités, avec « la nécessité de renforcer le cadre législatif existant » et de sensibiliser davantage les consommateurs, et notamment les jeunes, aux enjeux de la propriété intellectuelle. Pour Michel Barnier, « il faut s’attaquer aux infractions à la source et, à cette fin, encourager la coopération des intermédiaires, tels que les fournisseurs d’accès à Internet ». Bruxelles, qui va proposer un plan d’action d’ici la fin de l’année, étudie plusieurs options et envisage d’accroître le rôle des FAI dans la lutte contre le piratage en ligne (qui représente un manque à gagner de 10 milliards d’euros dans l’Union et 185 000 emplois perdus), en leur déléguant la protection des contenus soumis aux droits d’auteur, surveillance à laquelle ils se sont toujours refusés jusque là. Par ailleurs, a été présenté un nouveau règlement pour élargir les missions des douanes. Désormais, celles-ci pourront saisir et détruire – outre les contrefaçons – les objets qui détournent le droit des marques, les appellations d’origine et les droits d’auteur, rechercher les outils spécialement conçus pour détourner les droits de propriété intellectuelle et s’intéresser aux envois postaux à destination des particuliers.