Nouvelle commission européenne : dangers pour la culture ?
Sitôt nommé, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, le président de la nouvelle Commission européenne (opérationnelle depuis ce 1er novembre et pour 5 ans) s’est fait beaucoup d’amis dans le secteur culturel… avec des propos qui ont aussitôt déclenché la polémique. Il prône « un meilleur usage des opportunités offertes par les technologies digitales qui ne connaissent aucune frontière ». « Pour ce faire, nous devrons casser les cloisonnements nationaux en matière de régulation télécoms, de droit d’auteur et protection des données » a-t-il déclaré.
Les Coalitions européennes pour la diversité culturelle (CEDC) qui regroupent des organisations professionnelles de tous les domaines culturels demandent des « éclaircissements et des garanties sur la feuille de route de la nouvelle commission en faveur de la création, de la culture et du droit d’auteur ». Les professionnels de culture veulent rompre avec les pratiques de la précédente Commission Barroso et sa conception large du droit de la concurrence, afin de laisser les Etats développer librement leurs politiques de soutien à la diversité culturelle.
Autres changements : Le droit d’auteur et la lutte contre le piratage auparavant gérés respectivement par les unités Markt D1 ou D3 vont passer sous la responsabilité du service en charge de l’économie et de la société numériques. Le programme « Europe Créative » qui distribue des aides à la culture et finance des études sur les industries créatives et la culture passe de la commission Education, Culture, Jeunesse et Citoyenneté à la DG Réseaux de communication, Contenu et Technologie du commissariat à l’économie digitale. C’est l’Allemand Günther Oettinger qui a été nommé commissaire en charge du numérique. Précédemment commissaire à l’environnement, il reconnaît ne rien connaître de son nouveau secteur d’attribution.
« Nous avons un droit d’auteur en vigueur qui ne correspond pas au monde actuel. Il n’a pas été calé sur le monde numérique et, par conséquent, il faut prendre en compte les modes de stockage des données, ainsi que le cloud. Il faut que ce soit réformé de fond en comble » a déclaré Günther Oettinger lors de son audition par les députés européens le 29 septembre, en annonçant pour 2015 un projet de loi « pour établir des droits d’auteur équilibrés tout en prenant en considération l’existence du monde numérique ». Il envisage de taxer les moteurs de recherche pour les contenus soumis au droit d’auteur qu’ils référencent sur Internet.
Pour le reste, le nouveau commissaire en charge de la culture est Tibor Navracsics. Une nomination critiquée pour ce proche de Viktor Orban, le très contesté premier ministre hongrois qui a mis au pas les médias et les institutions culturelles de son pays, limité la liberté d’expression et brimé le secteur artistique. « On a 28 Etats membres, il fallait bien donner la culture à quelqu’un » a commenté une eurodéputée libérale. Ce qui en dit long sur la considération que Bruxelles semble y accorder…
Tibor Navracsics hérite également des portefeuilles de l’éducation, de la jeunesse et des sports. Concernant le champ de la culture, ses responsabilités (telles qu’indiquées sur le site de la Commission européenne) se résument à : « promouvoir la diversité culturelle en aidant les artistes et les créateurs d’Europe à atteindre de nouveaux publics et à exploiter les nouveaux médias » et « promouvoir la culture en tant que catalyseur pour l'innovation, la croissance économique et les nouveaux emplois ».