Les magasins Virgin se déclarent en cessation de paiement
Confronté à de graves difficultés, le groupe Virgin Megastore dépose le bilan, n’étant plus en mesure de payer ses créanciers. La direction de la chaîne de magasins de produits culturels, qui l’a annoncé le 4 janvier, se déclare officiellement en cessation de paiement ce mercredi 9 janvier devant le tribunal de commerce, après avoir présenté son intention lors d’un comité d’entreprise extraordinaire convoqué la veille.
L’enseigne – qui a réalisé en 2011 un chiffre d’affaires de 286 M€, avec 26 magasins encore en exploitation – est en crise depuis 2008, année de son acquisition par Butler Capital Partners. Elle perd de l’argent de manière constante, avec un endettement accumulé de 22 millions d’euros, est en retard dans le paiement de ses factures et de ses cotisations sociales, et a beaucoup de mal à payer ses loyers et ses fournisseurs. « Aujourd’hui, nous n’avons plus les moyens de rembourser nos créanciers » déclare sa direction.
La faute au numérique et aux loyers trop chers
Une situation qu’elle explique par l’effondrement du marché physique des CD et DVD, par la concurrence des ventes numériques dominées par les grands acteurs du web, mais aussi par les coûts très lourds des loyers commerciaux en centres villes. Au point que le bail du Mégastore des Champs-Elysées, son navire-amiral, présenté comme « le plus grand magasin de musique du monde », est en cours de résiliation depuis fin décembre. D’une surface utile de 4 400 m2, il génère à lui seul 20 % du chiffre d’affaires de la chaîne. Les effectifs du groupe ont été amputés de 200 salariés en deux ans tandis que les fermetures de magasins se sont enchaînées, au carrousel du Louvre à Paris, à Metz, Toulouse, Bordeaux Mérignac et Saint-Denis. En interne, des responsables estiment que la chaîne a raté le virage du numérique, malgré la création de son site VirginMega.fr en 2004. L’intersyndicale (CFTC, CFE-CGC, CGT, FO et SUD) de Virgin Megastore a été reçue lundi soir par la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, qui a déclaré partager les inquiétudes des salariés et les a assuré que son ministère était mobilisé. Le lendemain matin, la ministre a reçu à son tour Christine Mondollot, présidente de l’entreprise, qui a qualifié l’entretien de « très positif ».
Les responsabilités en question
Convaincus de la viabilité de l’entreprise sur la définition d’un nouveau projet, les syndicats s’en prennent au principal actionnaire, Butler Capital Partners. Ils l’estiment « principal responsable » de la situation, lui reprochant de ne pas avoir fait les investissements nécessaires au développement de l’enseigne et pas avoir mis en œuvre une « stratégie offensive pour trouver des nouveaux marchés », La ministre de la Culture elle-même a mis en cause sur Europe 1 « des années de choix stratégiques contestables » et promis de veiller à la meilleure issue possible pour chacun des 1 000 salariés. « Ce sont les commerces culturels physiques qui sont menacés aujourd’hui, parce qu’il y a l’émergence de grands sites en ligne qui, eux, échappent complètement à toute forme de concurrence déloyale puisqu’ils ne paient pas la même fiscalité que les autres, étant basés ailleurs qu’en France » constate-t-elle. Pour le Snep, la concurrence est ailleurs : « Certains reprochent à Virgin des fautes de gestion. Ce qui est certain, c’est que l’enseigne ne peut lutter contre l’adversaire déloyal qu’est le piratage qui, lui, ne paie ni salaires, ni loyers, ni charges sociales. Les maisons de disques sont déjà durement touchées. C’est au tour des distributeurs », commente David El Sayegh, directeur général du syndicat, qui interpelle les pouvoirs publics. « Il faut une nécessaire prise de conscience devant l’assèchement des industries culturelles. Les silences des ministres de la Culture et du Redressement productif sont assourdissants » déclare-t-il.
Plus de 1 000 emplois concernés
Un administrateur va être nommé par le tribunal de commerce. Près de 1 200 emplois en CDI sont en jeu (mais aussi 900 en CDD), qui seront fixés sur leur sort à l’issue de la procédure, qui peut déboucher sur un redressement ou une liquidation judiciaire. Cette deuxième éventualité mettrait fin à l’aventure en France de Virgin Megastore, créé par le milliardaire britannique Richard Branson (fondateur de la maison de disques Virgin), cédée en 2001 à Lagardère (qui en détient encore 20 %), puis reprise en 2008 par Butler Capital Partners qui en contrôle 74 %. Au Royaume-Uni, l’enseigne a été cédée fin 2007 pour disparaître définitivement un an plus tard. Virgin a aussi fermé tous ses magasins aux Etats-Unis, au Canada, en Irlande, en Australie et au Japon.