Les ayants droit contre les recommandations du rapport Vitorino
D’une seule voix, l’ensemble des bénéficiaires de la copie privée (Adami, ADAGP, Arp, Copie France, Procirep, SACD, Scam, Sacem, SAIF, SCPP, Sofia, Spedidam et SPPF) réagissent à la publication du rapport d’Antonio Vitorino sur l’harmonisation des rémunérations pour copie privée en Europe, suite à la médiation que lui avait confiée Michel Barnier, commissaire européen en charge du marché intérieur. Dans un communiqué, les auteurs, artistes-interprètes, producteurs et éditeurs du sonore, de l'audiovisuel, de l'écrit et des arts visuels rejettent la plupart des recommandations du médiateur, qu’ils jugent « inadaptées et dangereuses ».
Concernant la suppression de la rémunération copie privée pour les exploitations en ligne que le rapport suggère, ils estiment qu’elle « porterait atteinte au droit des auteurs, artistes-interprètes, producteurs et éditeurs d'être justement rémunérés pour la copie privée de leurs œuvres par les particuliers. Elle priverait en outre ces derniers de la faculté qui leur est reconnue actuellement de réaliser librement des copies pour leur usage privé et conduirait à la réintroduction de mesures techniques de protection que les consommateurs ont rejetées dans le passé ». Au sujets des modifications préconisées au système de rémunération, elles sont, selon les ayants droit, « de nature à en compromettre sérieusement le fonctionnement » : le transfert du paiement de la rémunération à des milliers de détaillants plutôt qu'aux importateurs compliquerait et renchérirait gravement la perception de la copie privée et favoriserait la fraude ; l'exonération de paiement pour les entreprises « ne tient pas compte du fait qu'un produit acquis par une entreprise peut aussi être utilisé à des fins privées par son personnel » ;
Quant à la convergence des processus de fixation de la redevance au niveau européen, elle « ne saurait servir de prétexte à une remise en cause des rémunérations adoptées en France », d’autant que liées aux différentes traditions culturelles et situations économiques des Etats membres. Les ayants droit contestent à nouveau la nécessité d’adapter le système de la copie privée au contexte d’aujourd’hui, affirmant qu’il « demeure en réalité le seul moyen de concilier l'intérêt des consommateurs (qui peuvent effectuer des copies privées), des créateurs (qui sont rémunérés) et la situation des fabricants et importateurs (dont les produits seraient d'une faible valeur s'ils ne permettaient pas de copier des œuvres protégées). »
Les sociétés de gestion collective estiment qu’au total, les propositions d’Antonio Vitorino « sont déséquilibrées et avantagent outrageusement les importateurs et fabricants dont la seule préoccupation est l'augmentation de leurs marges et feront, en revanche, beaucoup de perdants : les créateurs, les artistes, les producteurs, les éditeurs et ceux qui diffusent les œuvres (festivals, spectacles, salles,...) ainsi que les consommateurs qui ne verront pas le prix des supports et des matériels d'enregistrement diminuer, comme en Espagne où la quasi-disparition de la copie privée n'a pas entrainé de baisse des prix pour les consommateurs ».
Dans leur communiqué, elles diabolisent à nouveau les industriels, fabricants et importateurs, « avec à leur tête Apple », « lancés dans une stratégie concertée de remise en cause de la copie privée », alors que ceux-ci sont loin d’être les seuls à estimer nécessaire d’adapter le dispositif… Ils appellent les pouvoirs publics français à « maintenir leurs efforts pour consolider la rémunération pour copie privée à l'ère numérique et espèrent que Michel Barnier, au niveau européen, « saura faire prévaloir une conception plus équilibrée et juste ».