Le rapport Selles juge nécessaire un dispositif de soutien public
La rationalisation et le renforcement des dispositifs existants doivent être conjugués à la mobilisation de ressources nouvelles, insiste le rapport « Création et diversité musicale à l’ère numérique » qui souligne la nécessité et la légitimité de l’intervention publique devant la « menace réelle » sur la création française, la diversité de la production, l’existence d’industries musicales locales et l’accès de tous aux répertoires les plus variés. « L’objectif d’un dispositif de soutien public n’est pas de garantir le maintien des situations acquises, mais de contribuer au maintien d’un outil de production, d’un savoir-faire et d’une diversité de la création et des entreprises, dans un contexte de mutations continues » précise la mission Selles. Elle souligne la nécessité de renforcer les aides actuelles, principalement dirigées vers les producteurs de musique enregistrée et de spectacle vivant, et de les compléter par un soutien aux créateurs et aux différents modes de diffusion et d’exploitation de la musique. Elle préconise aussi la rationalisation des guichets d’aide, justifiée par « la simplification de l’environnement administratif des acteurs, l’amélioration de la cohérence et de l’efficacité dans l’instruction des dossiers et l’attribution des aides ».
Le rapport propose de rassembler la musique enregistrée et le spectacle vivant au sein du Centre national de la musique. Le CNV serait intégré à l’organisme, qui percevrait directement la taxe fiscale sur la billetterie. De leur côté, les sociétés civiles délégueraient au CNV l’intégralité des sommes qu’elles consacrent à l’action culturelle et artistique (art. L321-9 du CPI). Mais la proposition « se heurte à une certaine hostilité des SPRD d’auteurs-compositeurs et d’artistes interprètes ». Le CNM se verrait aussi confier la gestion du crédit d’impôt des producteurs phonographiques et serait chargé de délivrer les agréments. Il constituerait par ailleurs un centre puissant d’expertise et de ressources au service de l’ensemble de la filière, en fusionnant l’Irma, l’Observatoire de la musique, le Bureau Export, Francophonie Diffusion, etc., participant ainsi à la simplification de l’environnement des acteurs. Ce sont ainsi 50 M€ de ressources existantes qui pourraient être confiés au CNM.
Au-delà de la contribution de la filière musicale au financement de ce nouvel instrument, le rapport évalue le besoin total en ressources supplémentaires à 95 M€, qui seraient ainsi réparties : 7 M€ pour les créateurs et l’édition, 40 M€ pour la production de musique enregistrée, 23 M€ pour le spectacle vivant, 20 M€ pour la diffusion de la musique sous toutes ses formes (en particulier à travers des services numériques innovants), et 4 M€ pour renforcer la fonction ressources et expertise du CNV.
Financement : les pistes préconisées…
Ces ressources nouvelles pourraient être prélevées sur les acteurs extérieurs à la filière qui bénéficient d’une partie de la valeur liée aux contenus musicaux sans contribuer suffisamment au financement de la création ». Mais la mission a étudié puis écarté, « pour des raisons de principe ou d’opportunité », plusieurs pistes parmi lesquelles :
- La création d’une taxe sur les ventes d’appareils permettant d’écouter de la musique (ordinateurs, baladeurs, smartphones, tablettes…), « piste indissociable de la réflexion en cours et non aboutie sur l’avenir de la redevance pour copie privée, soumis à plusieurs incertitudes » ;
- La création d’une taxe sur les ventes de musique enregistrée (sur le modèle du CNC ou du CNV), considérant qu’elle n’aurait de sens que dans le cadre d’une réduction du taux de TVA « dont il n’est pas sûr qu’elle puisse être obtenue à brève échéance » ;
- L’instauration d’une contribution des médias (radios et télévisions), faisant valoir qu’elle serait de nature à compliquer les débats en cours sur l’exposition de la musique dans les médias, et que ceux-ci contribuent déjà de manière significative au financement de la création. Sans parler, pour les télévisions, la distorsion de concurrence préjudiciable entre chaînes traditionnelles et chaînes connectées.
Le rapport privilégie en revanche une contribution des opérateurs de télécommunications. Le prélèvement d’une partie du produit de la taxe sur les services de télévision (TST), volet « distributeurs », aujourd’hui versée par les opérateurs au CNC, « est à la fois la solution la plus légitime sur le plan des principes et la plus réaliste à court terme ». La mission recommande de sécuriser le rendement de la TST Distributeurs, en aménageant l’assiette pour interdire tout contournement et en fixant les taux de façon à ce que la pression fiscale globale sur les FAI demeure inchangée. Les trois quarts du produit de la taxe resteraient affectés au CNC, le solde, soit 95 M€, serait dérivés pour financer un dispositif de soutien à la filière musicale, via le budget général de l’Etat dans un premier temps, puis éventuellement par affectation directe au CNM. Enfin, la mission estime que la mobilisation des financements privés pourrait être favorisée, tant pour la musique enregistrée que pour le spectacle vivant, à travers des incitations fiscales de type Sofica.