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La mission Lescure remet son rapport au gouvernement

15 Mai 2013 , Rédigé par Gildas Lefeuvre Publié dans #Etudes & Rapports

 

Pierre Lescure a remis le rapport de sa mission sur l’« Acte II de l’exception culturelle à l’ère du numérique » le 13 mai au président de la République François Hollande et à la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti.

Dressant un panorama et menant une réflexion sur les enjeux et problématiques des industries culturelles, il propose un ensemble global de mesures autour de trois axes : le développement de l’offre légale en ligne et l’accès des publics à cette offre, la rémunération des créateurs et le financement de la création, la défense et l’adaptation du droit d’auteur dans l’ère numérique (incluant la lutte contre le piratage).  Le rapport, qui résulte d’une mission de 9 mois alimentée par une centaine d’auditions et tout autant d’entretiens informels, entend ainsi « définir les termes d’une politique culturelle volontariste et ambitieuse qui respecte à la fois les droits des publics et ceux des créateurs », à travers 80 propositions dont voici la synthèse.

Offre légale en ligne

Considérant que l’offre culturelle en ligne est confrontée à la concurrence de l’offre illégale, « difficilement égalable », et qu’elle « peine toujours à satisfaire les attentes, très élevées, des internautes », les mesures portent sur son amélioration, son extension, sa rationalisation, son prix et son ergonomie. Elles concernent la disponibilité des œuvres, avec l’obligation d’une exploitation numérique continue et suivie et l’assouplissement de la chronologie des médias, ramenée de 36 mois (« une éternité à l’heure du net » selon Pierre Lescure) à 18 mois pour la VOD.

Il s’agit aussi de favoriser le développement d’un tissu de services culturels numériques innovants et porteurs de diversité culturelle, en réfléchissant aux modes de financement de la numérisation, de la production et de la distribution des œuvres, en adaptant les dispositifs d’aide aux enjeux du numérique, en facilitant l’accès et l’utilisation des contenus pour les internaute et en remédiant aux distorsions de concurrence (asymétrie des règles fiscales, distorsions de nature commerciale).

Le rapport estime que la convergence numérique oblige à repenser la régulation des contenus culturels et propose de faire évoluer en conséquence les compétences du CSA. Il juge « indispensable de concevoir un nouveau mode de régulation, reposant sur une logique « donnant-donnant » (avantages octroyés aux acteurs les plus engagés en faveur de la diversité culturelle). La mission Lescure veut aussi « favoriser l’émergence d’une offre gratuite ou abordable », améliorer « l’expérience utilisateur » et garantir les droits des usagers en renforçant la régulation des mesures techniques de protection (DRM), en clarifiant leur cadre juridique et en encourageant le développement de standards ouverts.

Rémunération des créateurs et financement de la création

Constatant que « l’entrée dans le numérique a entraîné un transfert de valeur très important des contenus vers les opérateurs de diffusion (fournisseurs d’accès internet, matériels connectables, moteurs de recherche…), le rapport appelle à la vigilance sur le partage de revenus et à son encadrement. Il estime que « si ces questions relèvent à titre principal de la liberté contractuelle, la puissance publique est fondée à en assurer la régulation, d’une part afin de corriger certains rapports de force déséquilibrés, d’autre part afin d’assurer une transparence qui semble aujourd’hui faire défaut ».

La mission propose la création de « codes des usages sectoriels » encadrant les pratiques contractuelles, qui pourraient prévoir une modulation des taux de rémunération en fonction de l’ancienneté des œuvres et qui incluraient un volet relatif aux relations entre fournisseurs de contenus et éditeurs de services en ligne. Afin d’assainir et apaiser celles-ci, le rapport recommande le renforcement de la transparence, avec des modalités de reporting précisément encadrées et la certification des relevés de vente ou de diffusion par un « tiers de confiance ».

S’agissant des conditions de rémunération des créateurs, le rapport Lescure préconise la « conclusion d’accord collectifs, étendus à l’ensemble du secteur par arrêté, pour déterminer le taux minimum et l’assiette de rémunération » et que les sociétés de gestion collective d’auteurs et d’artistes soient ensuite mandatées par les producteurs pour percevoir et répartir ces rémunérations dans des conditions « lisibles et transparentes ». La mise en place d’une gestion collective obligatoire des droits voisins (déjà préconisée par le rapport Zelnik et qui avait échouée lors de la médiation Hoog, en raison de l’hostilité farouche des producteurs) pourrait être envisagée.

Autre dossier sur lequel les propositions de la mission Lescure étaient attendues : la copie privée. Les fondamentaux du système actuel ne sont pas remis en cause, mais « il convient, à court terme, de réformer certains aspects de son fonctionnement », à commencer par sa gouvernance, « remettant l’Etat au cœur du processus décisionnel en lui donnant un rôle plus affirmé d’arbitre entre les parties prenantes ». La composition de la Commission serait élargie ; les 25% destinés à financer l’action artistique des sociétés de gestion collective feraient l’objet d’une transparence accrue et inclure aussi l’aide aux services numériques innovants et à la promotion en ligne d’une œuvre, d’un artiste ou d’un catalogue, y compris à l’international. « A moyen terme, la transformation des usages qui se dessine impose de réfléchir à un mécanisme susceptible de prendre le relais de la rémunération pour copie privée » considère la mission, qui propose l’instauration d’une taxe sur les appareils connectés, assise sur l’ensemble des terminaux, indépendamment de leur capacité de stockage. Elle souhaite par ailleurs approfondir la réflexion sur la création d’un droit à rémunération au titre du référencement par les moteurs de recherche, permettant de compenser le « transfert de valeur ».

Le rapport Lescure préconise des « mécanismes de compensation pour corriger les déséquilibres abusifs », en renforçant la contribution des acteurs du numérique au financement de la création, en rétablissant l’équité fiscale et en repensant la contribution des opérateurs de télécommunication (par une taxe assise sur l’ensemble de leur chiffre d’affaires). Enfin, la mission souligne l’émergence de nouveaux modes de financement complémentaires, telles que les plateformes participatives et le crowdfunding, et juge souhaitable d’en clarifier le cadre juridique et fiscal et d’en améliorer la visibilité par un soutien politique plus affirmé et des partenariats avec les institutions publiques.

Droit d’auteur à l’ère numérique

« Il est proposé de supprimer la Hadopi », indique le communiqué de presse du ministère de la Culture. En fait, tout est question de formulation. Le dispositif de riposte graduée est maintenu, mais  transformé et allégé, en dépénalisant le régime de sanctions (« Il s’agit de cesser la stigmatisation des internautes instaurée sous l’ère Sarkozy » commente Aurélie Filippetti). La suspension de l’accès à internet est abandonnée (« C’est une grande avancée démocratique » estime la ministre), remplacée par des sanctions administratives, des amendes automatiques d’un montant de 60 €. Mais c’est la Hadopi, en tant qu’autorité indépendante, qui disparaît, le nouveau dispositif sera désormais adossé au CSA.

Les échanges « non marchands » sont également évoqués dans le rapport mais la réflexion doit encore être approfondie. L’idée d’une légalisation « offre, de prime abord, d’intéressantes perspectives » mais « se heurte aujourd’hui à un trop grand nombre d’obstacles juridiques, économiques et pratiques » convient le rapport en ajoutant que « aucun modèle ne doit être écarté a priori ». S’agissant de la lutte contre le piratage, la mission propose qu’elle soit renforcée et réorientée en direction de la « contrefaçon lucrative » et des sites contrefaisants en impliquant les intermédiaires techniques et financiers qui constituent « l’écosystème Internet » (hébergeurs, moteurs de recherche, régies publicitaires, services de paiement…). « La puissance publique pourrait promouvoir, tout en l’encadrant, une autorégulation fondée sur des engagements pris volontairement par les différentes catégories d’intermédiaires » et jouer un rôle de médiateur ou de tiers de confiance.

Adapter le droit de propriété intellectuelle aux usages numériques est le dernier aspect abordé par le rapport, qui veut moderniser les exceptions au droit d’auteur, notamment en clarifiant le statut juridique des œuvres « transformatives » (composites, remixes, mashups, CGU) et en reconsidérant les exceptions destinées à favoriser la diffusion des œuvres et la transmission de la culture. La mission Lescure propose aussi de faciliter le recours aux licences libres (« pas concurrentes mais complémentaires aux droits de propriété intellectuelle») en confortant leur cadre juridique, et de faciliter aussi l’accès aux métadonnées, en créant dans chaque secteur un registre ouvert, qui serait coordonné par le service du dépôt légal.

Une mise en œuvre à court terme

Pierre Lescure assure que ces propositions seront « mises en œuvre à très court terme, que ce soit dans un cadre réglementaire ou via des accords interprofessionnels ».La ministre de la Culture  annonce déjà pour juin « un premier train de mesures, après avoir mené des concertations secteur par secteur. Certaines sont d’ordre législatif, d’autres réglementaires ou relèvent de concertation interprofessionnelle ».  Après la première présentation aux professionnels le 13 mai, le ministère va entendre les principaux acteurs concernés. Une réunion de travail avec la filière musique se tiendra le 6 juin. D’autres échéances seront rapidement programmées, sectorielles ou transversales. « Le président de la République a rappelé son attachement fondamental à la défense de la culture et de tous ceux qui y contribuent. C’est pourquoi il a souhaité la mise en œuvres des décisions nécessaires, y compris législative, dans les meilleurs délais et demandé qu’une première série de mesures intervienne d’ici l’été » a confirmé l’Elysée.

 

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