La ministre de la Culture n'a pas convaincu au Midem
Aurélie Filippetti, comme tout ministre de la Culture en exercice, s’est pliée à la traditionnelle inauguration du Midem, assortie de la non moins traditionnelle conférence de presse. Un baptême peu facile pour la nouvelle figure de la Rue de Valois, dont le discours était très attendu par la filière musicale hexagonale mais qui n’a pas convaincu.
« Concernant la musique, je veux rappeler que depuis ma prise de fonction, mon engagement est total » a lancé d’emblée la ministre, qui s’est livrée à un premier bilan d’étape, 8 mois après son arrivée, en mettant en avant des « actions nombreuses et variées » : aide exceptionnelle (215 000 €) débloquée pour soutenir une quinzaine de labels affectés par la liquidation judiciaire de Discograph, la mise en place d’un mécanisme de financement (260 000 €) pour soutenir, via le FCM, les plateformes françaises de musique en ligne (telles que Starzik, Beezik, CD1D, Wiseband, Believe), le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique qui a été prorogé de 3 ans, la nouvelle dotation du fonds d’avances remboursables pour l’industrie musicale gérée par l’IFCIC, son implication pour la défense de la rémunération pour copie privée, et la mission confiée à Pierre Lescure pour l’« Acte 2 de l’exception culturelle ».
Une mission de plus…
Indiquant sa volonté de « mettre en cohérence le fonctionnement du ministère avec celui de la musique « au sein duquel la dichotomie entre musique enregistrée et spectacle vivant a largement perdu de son sens » (il était temps…), Aurélie Filippetti a surtout évoqué la « mission musique » de son ministère (qui lie DGMIC et DGCA), une initiative transversale censée animer une « réflexion dynamique de fédération et de modernisation de nos outils de politique culturelle, en lien étroit avec les acteurs de l’écosystème ». Cette mission, « poursuivant ainsi la concertation engagée dans le cadre de la mission de préfiguration du CNM » doit, dans un premier temps, « synthétiser les demandes et les besoins de l’écosystème de la musique ». Dans ses travaux, qui seront menés avec les SPRD, elle doit « effectuer un diagnostic sur les mesures d’urgence à prendre afin de sauvegarder les compétences des organismes d’intérêt général qui sont en péril immédiat », avec « d’indispensables travaux de modernisation en profondeur » et la « mise en place d’un ensemble plus cohérent de soutiens sélectifs à la musique enregistrée ». C’est aussi la mission Musique qui doit prendre en comptes les conclusions des travaux de la mission Lescure ( ?), ainsi que les grands chantiers à venir en 2013 : exposition de la musique dans les médias traditionnels, mobilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), loi d’orientation sur la création, renégociation du régime de l’intermittence,
La ministre a cité, sans s’y attarder, la question des distorsions fiscales, notamment en ce qui concerne les taux de TVA (estimant « l’action de l’état primordiale pour éviter l’écrasement »), les 13 engagements pour la musique en ligne (qui vont faire l’objet d’un bilan concerté avec Jacques Toubon), le financement de la filière et la « taxe Google réclamée par l’ensemble de la filière musicale (« mettre à contribution les opérateurs, j’y crois très fermement »).
Mais de la déclaration d’intention à l’action concrète, il y a encore un pas. Interpellée sur l’abandon du projet de CNM, décision qui reste en travers de la gorge de la filière, elle assure qu'il n'y avait pas de ressources pour un établissement public tel qu'il était prévu et estime que « l'argent doit aller dans une filière plutôt que dans une coquille ». Elle déclarera dans une interview à l’AFP : « Je trouve plus intéressant d'essayer d'accompagner les industries culturelles dans leur mutation pour s'adapter au numérique que d'essayer, par des cautères qui conduisent à ponctionner d'autres secteurs de l'économie, d'obtenir des subventions ».
Le flou n’est pas qu’artistique…
So what ? Que dégager de ce discours très attendu, pour le premier Midem de la ministre ? Pas grand-chose, estiment bon nombre de professionnels et organismes présents qui sont repartis plus perplexes qu’avant, sans réelles perspectives et sans mesures concrètes annoncées, là où ils estiment qu’il y a urgence. Aurélie Filippetti a botté en touche, s’est dit à l’écoute mais n’a pas rassuré. Les chiens aboient et la caravane des missions passe, dont la plupart – promises comme concertées et salvatrices, n’ont jusqu’ici accouché que de « mesurettes », au goût des acteurs du secteur. Mission Olivennes, Mission Zelnik, Mission Colling/Chamfort/Thonon, Mission Lescure, Mission Musique… De quoi temporiser. Ce qui conduit Pascal Nègre, président d’Universal Music France, à paraphraser Boris Vian : « On se concerte, on se reconcerte, et à la fin on est déconcertés ».