Hadopi sur le terrain miné des exceptions au droit d’auteur
L’Hadopi vient de publier la synthèse des contributions recueillies à propos des exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins. C’est le résultat d’un chantier que le collège de la Haute autorité avait lancé en octobre 2011 et confié à Jacques Toubon, dans l’objectif de « savoir si le développement des nouveaux usages numériques devait conduire à modifier la définition, la nature et la portée de certaines exceptions, en appréciant leur légitimité ». La synthèse dresse tout d’abord un état des lieux des 20 exceptions actuellement reconnues : pour la représentation privée et gratuite dans le cadre du cercle de famille, pour copie privée, en matière de revue de presse, à des fins pédagogiques, en matière de copies techniques provisoires, à des fins d’archivage et de consultation, en matière de bases de données, etc. L’Hadopi analyse aussi les mécanismes juridiques qui régissent ces exceptions – le test en trois étapes, la condition de licéité de la source (à l’origine du litige qui oppose les ayants droit et les industriels au sein de la commission copie privée)… – et les compensations.
Enfin, elle livre des considérations sur la légitimité et l’acceptation sociale des exceptions. Les contributeurs ont été consultés sur l’opportunité d’élargir le champ des exceptions existantes ou d’en introduire de nouvelles, et en particulier sur la création d’une exception pour le prêt numérique des œuvres, d’une exception permettant le partage d’œuvres à des fins non commerciales, d’une exception permettant les œuvres créées par assemblage d’œuvres existantes et d’une exception couvrant tous les actes de reproduction et d’utilisation sans valeur économique qui sont nécessaires à l’utilisation d’une technologie. L’Hadopi aborde aussi la possibilité d’une transposition du « fair use » sur le modèle plus flexible des Etats-Unis (qui permet de faire échapper à l’autorisation des titulaires de droits certaines utilisations non définies par la loi, notamment lorsqu’elles ne leur causent pas de préjudice), et la question d’un droit à l’exception ou de l’exception, avec un régime autonome invocable devant le juge à égalité avec le droit de la propriété intellectuelle.
La Haute Autorité n’a pas hésité à s’attaquer à un sujet tabou, en s’aventurant sur un terrain éminemment « miné » tant les questions soulevées peuvent – pour une partie d’entre elles – s’avérer sensibles, voire fortement polémiques. Les 41 contributions recueillies viennent de bénéficiaires d’exceptions, d’acteurs du secteur des technologies de l’information, d’universitaires, de juridictions ou d’entreprises du secteur culturel : BnF, Google, Canal +, Business Software Alliance, Cour d’appel de Paris, Cour de cassation, Fevad, France Télécom-Orange, INA, M6, International Publishers Association, Fédération française des agences de presse, Syndicat national de l’édition… En revanche, on notera l’absence totale des organismes représentatifs des ayants droit (Sacem, SACD, Adami, Spedidam, SCPP, SPPF et autres), pourtant les premiers concernés, qui ont superbement ignoré la consultation. Un boycott loin d’être anodin.
La synthèse (36 pages) est consultable au lien suivant :
http://www.hadopi.fr/sites/default/files/page/pdf/Synthese_des_contributions.pdf