Faillite de Virgin Megastore : la faute aux maisons de disques ?
Non, Aurélie Filippetti, Amazon n'a pas tué Virgin Megastore ! C’est ce que titre Numerama, en réaction aux raisons évoquées ici et là pour expliquer la faillite du distributeur de produits culturels. Selon le site, en attribuer la responsabilité aux géants du commerce électronique qui échappent au régime fiscal français, comme le prétend la ministre de la Culture, ne serait qu’une « grosse ficelle qui évite de regarder l'essentiel ». Tout comme accuser le piratage (« le discours n'est tenu que par pur opportunisme »). Pour Numérama, Virgin Megastore avait lui-même prédit sa mort dès 2005 : « à l'époque, la direction ne pointait pas du doigt Amazon, mais les majors de l'industrie du disque dont Aurélie Filippetti ne dit pas un mot ».
Le site rappelle que VirginMega.fr était alors considéré comme le leader français de la musique en ligne (en termes de visiteurs), selon les observations de Nielsen/Net Ratings, et revendiquait une part de marché estimée à 35% contre 31% pour l'iTunes Music Store d'Apple. A l’époque, la plateforme de Virgin se plaignait de ne toucher que 1 centime d’euro sur un titre vendu 0,99 euro TTC, quand 70 centimes revenaient aux majors. Ainsi, en 2005, alors que l’enseigne avait investi plus de 3 millions pour se faire connaître, à travers des campagnes de pub en ligne et hors-ligne, elle avait vendu environ 1 million de titres en téléchargement pour une marge brute de… 10 000 euros seulement. « Ce modèle économique ne fonctionne pas » déclarait alors son président Jean-Noël Reinhard, estimant que des marges si faibles ne pouvaient que contenter que ceux qui, à l'instar d'Apple, se servent de la musique en ligne pour vendre autre chose de plus rentable (l'iPod). « Les majors proposent un modèle en ligne destiné à ceux qui ne vivent pas de la musique » en se mettant ainsi elles-mêmes en position de « devenir otages de l'informatique et des télécoms », déplorait-il.
Pour Numerama, « Virgin Megastore n'est pas mort par concurrence déloyale de nature fiscale, mais parce qu'il a eu le tort de ne pas faire évoluer sa proposition commerciale alors qu'il savait il y a déjà 8 ans que la musique en ligne ne lui rapporterait rien. Non pas à cause du piratage, mais à cause des majors de l'industrie musicale qui ont imposé des conditions tarifaires que seuls Amazon, Apple ou quelques autres arrivaient à encaisser, parce que la vente de musique n'était qu'un service accessoire à une offre beaucoup plus globale ». Il ajoute que, même avec un taux de TVA beaucoup plus faible, Virgin n'aurait jamais réussi à rentabiliser son offre. « Il serait bon que la ministre de la Culture réalise elle aussi que vendre de la musique n'est pas rentable. Et qu'il faut donc avoir le courage de proposer un véritable changement de modèle économique », conclut Numerama.