EMI recherche 135 millions d’euros désespérément…
« EMI va mal », « EMI dans la tourmente », « EMI au bord du gouffre », « La lente agonie du groupe EMI », « Chronique d’une descente aux enfers »… Les titres et qualificatifs ne manquent pas ces dernières semaines à propos des déboires de la major britannique qui a besoin de 120 millions de livres (135 millions d’euros) d’ici la mi juin pour refinancer sa dette.
Reprise par le fonds de capital risque Terra Firma, à l’été 2007 pour 4,2 milliards de livres et fortement endettée, EMI a essuyé sur son précédent exercice une perte de 1,7 milliard d’euros (le double de l’année précédente). Depuis son acquisition, Guy Hand, le patron de Terra Firma, financier sans pitié, s’est illustré par une politique quelque peu « brutale » : plan d’économie drastique, remise en cause des avances, réduction d’un tiers des 5 500 salariés de la compagnie, remplacement de 80 des 100 principaux cadres, suscitant le malaise parmi les artistes du catalogue (cf. les violentes réactions de Robbie Williams ou Coldplay), dont certains comme Radiohead ont claqué la porte.
EMI a envisagé dans un premier temps de se défaire de ses mythiques studios d’enregistrement Abbey Road à Londres (finalement sauvés par le gouvernement britannique) puis a engagé des discussions pour confier la distribution aux Etats-Unis de son fonds de catalogue américain à l’une de ses concurrentes pour une période de 5 ans, licence qui aurait pu être monnayée entre 200 et 400 millions de livres et lui aurait assuré une tranquillité pour plusieurs années. Mais le Financial Times a annoncé le 31 mars l’échec des négociations, après le retrait d’Universal puis celui de Sony. On a parlé aussi de l’éventualité d’une vente « par appartement ». Parmi les acquéreurs potentiels cités par le Sunday Time : Warner Music (qui a déjà clairement manifesté son intérêt à plusieurs reprises depuis 2001) et un joint venture entre le groupe allemand Bertelsmann et le fonds d’investissement KKR.
La maison de disques est aujourd’hui asphyxiée par un emprunt de 3,2 milliards de livres auprès de Citygroup. Guy Hands a intenté fin 2009 un procès à la banque américaine, qu’il accuse de tromperie pour l’avoir forcé à surpayer le rachat de 2007, juste avant l’éclatement de la bulle financière. Une procédure est en cours et le procès est prévu pour l’automne prochain à New York. Elio Leoni-Sceti, qui avait été nommé PDG d’EMI il y a 14 mois et était chargé de la restructuration, a démissionné le 31 mars, le plan de redressement qu’il proposait n’ayant pas obtenu le soutien de plusieurs exécutifs. Il vient d’être remplacé en urgence par Charles Allen, jusque là président non exécutif de la major. Terra Firma prévoit de présenter un nouveau plan de redressement fin avril.
Sa marge de manœuvre se réduit de jour en jour. Faute d’une nouvelle injonction de cash d’environ 150 millions d’euros d’ici la mi-juin (à laquelle les actionnaires, déjà sollicités à plusieurs reprises, ne semblent pas résignés), EMI deviendra la propriété de son créancier qui pourrait la démanteler, signifiant ainsi la chute de cet empire musical britannique.