Deezer : polémique sur le streaming et plainte d'Universal
Le streaming pose de plus en plus problème à la filière musicale. Alors qu’elle s’est focalisée sur le téléchargement illicite, impulsant l’accouchement long et mouvementé de la loi Hadopi, l’ennemi a changé entre-temps. Les internautes – qui évoquaient les DRM, le prix du disque et la faible disponibilité des catalogues pour justifier la pratique du P2P – ont modifié leurs modes de consommation puisqu’on peut aujourd’hui tout écouter 24h/24, où qu’on soit, sans besoin de télécharger et sans bourse délier. C’est légal. Mais ça ne rapporte rien. Les éditeurs, qui craignent que l’offre gratuite phagocyte le payant, souhaitent limiter l’écoute gratuite en streaming. Ils mettent en exemple Spotify, qui a presque doublé le nombre de ses abonnés premium outre-Manche en restreignant son service de streaming à 5 écoutes d’un même titre. Idem en Suède.
Deezer a mis le feu aux poudres en annonçant le 6 juin le lancement de son nouveau site, « une nouvelle expérience musicale en ligne avec un site 5 fois plus rapide, incitateur à la découverte et au partage de musique », et surtout une écoute gratuite limitée à 5 heures par mois. Pour Axel Dauchez, PDG de la plateforme, l’objectif est de pousser les internautes à « migrer sur la formule payante ». Il espère ainsi attirer 100 000 nouveaux utilisateurs payants (ils sont aujourd’hui 1,2 million, soit 5 % des 20 millions de personnes qui utilisent le site). Ces mesures sont loin de faire l’unanimité. Tout d’abord, évidemment, parmi les internautes. Et parmi les maisons de disques. Pas assez restrictives, estime Universal Music.
L’idéal, pour son président Pascal Nègre, serait de limiter à 4 écoutes du même titre par utilisateur. Il a menacé de retirer son catalogue du service de streaming gratuit de Deezer (pas de l’offre payante) si ces mesures n’étaient pas appliquées, d’autant qu’il reste convaincu que le modèle économique du streaming gratuit financé par la publicité n’est pas viable. En France, il n’a généré que 9,8 millions d’euros en 2010, contre 14,6 M€ pour les abonnements payants et 47,4 M€ pour le téléchargement. A lui seul, Deezer, qui reverse 0,0012 € par stream, aurait réalisé 7 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, sur lequel seulement 4 millions ont été reversé à l’ensemble des ayants droit (auteurs, artistes, producteurs).
L’annonce de Deezer intervient alors que la plateforme est poursuivie par Universal Music. La major a menacé de retirer son catalogue du service de streaming et attaqué le site en mai pour contrefaçon, car il n’existe plus de relations contractuelles entre les deux parties depuis le 1er janvier, faute de s’être entendues sur les termes d’un nouveau contrat. La plainte a conduit à une audience en référé le 5 juillet au Tribunal de grande instance de Paris, mais les juges ont repoussé le délibéré au 17 août. « Nous ne voulons pas supprimer le gratuit, mais l’encadrer » argumente l’avocat de la major.