Création du CNM : incertitudes sur le financement et le calendrier
Lancé dans la précipitation par Nicolas Sarkozy, le projet de Centre National de la Musique est en panne de financement avant même d’avoir vu le jour. La mise en œuvre du futur organisme, qui doit fédérer la filière musicale et centraliser et renforcer les aides au secteur, ne se fera pas dans les conditions annoncées, parce que « les dépenses n’étaient pas budgétées en ce qui concerne son fonctionnement et pas sécurisées d’un point de vue juridique pour ce qui était des taxes sur les fournisseurs d’accès», a expliqué la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. Son prédécesseur, Frédéric Mitterrand, avait promis une enveloppe de crédits de 15 M€ sur le budget du ministère pour amorcer les missions du CNM. « Une déclaration d’intention absolument pas budgétée » souligne Aurélie Filippetti. Par ailleurs, 50 M€ par an devaient être pris sur le programme de soutien à la politique du livre et des industries culturelles mais l’actuelle ministre ne juge pas bon de « chercher à déshabiller une politique de soutien culturelle au profit d’une autre ». Le CNM devait ensuite être financé par une taxe sur les fournisseurs d’accès internet, mais celle-ci est contestée devant la Commission européenne. L’idée de miser sur une « dérivation » de la taxe dite TST (sur les services de télévision, payée par les FAI) dont le Centre national du cinéma est le seul bénéficiaire, passe mal. La filière musicale espérait en capter le surplus, le Parlement ayant plafonné les ressources du CNC, lequel a perçu 806 M€ l’an dernier. Mais celui-ci (comme le lobby du cinéma) s’y oppose et n’entend pas partager avec la musique. L’affaire semble mal partie.
La filière s’impatiente…
La ministre a bien rappelé qu’elle souhaitait mettre sur pied une véritable politique de soutien au secteur et que « l’Etat doit se préoccuper de l’avenir de la musique et l’aider à se conforter avec des outils et des modes de financement qui sont adaptés et pérennes, mais elle estime que « la façon dont les choses avaient été prévues n’était pas du tout responsable ». Le syndicat des entrepreneurs de spectacles, le Prodiss a fait part de son incompréhension et de son insatisfaction, rappelant que tous les acteurs du secteur ont été auditionnés sur le sujet pendant plus d'un an. « Le travail de Madame la ministre est d'aller chercher l'argent. Veut-elle y aller ou pas ? » s'est interrogé son président Jules Frutos, « Les déclarations de Mme Filippetti sont loin de dissiper nos profondes inquiétudes », a réagi de son côté Jérôme Roger, directeur général de l’Upfi, le syndicat des producteurs indépendants. « Cela ne doit pas retarder la mise en œuvre de ce chantier qui a déjà pris du retard », alors qu'elle « sait que la situation des PME et des TPE est très fragile », a-t-il déclaré. De fait, le calendrier du CNM reste dans le flou. Il est peu probable qu’une négociation entre Bercy et la rue de Valois intervienne à temps pour déboucher sur un texte qui viendrait s’insérer dans la loi de finances de 2013 qui sera discutée à partir d’octobre. Ce qui renvoie, au mieux et sans certitudes, au projet de loi rectificatif qui suivra début 2013. A quand donc la création concrète de la structure ?
TPLM demande l’arbitrage du Premier ministre
Notons que la SPPF a conditionné sa participation au CNM. Lors de son AG du 14 juin, ses membres ont voté à l’unanimité une résolution en ce sens, qui porte sur les modalités d’octroi des aides aux producteurs (les indépendants souhaitent un équilibre entre droits de tirage et aides sélectives), le financement du centre (95 M€ de ressources nouvelles) et sa mise en activation (initialement prévue le 1er janvier 2013). « Si ces conditions n’étaient pas réunies, nous pourrions nous retirer du projet », a indiqué son directeur général, qui rappelle que les sociétés civiles de producteurs ont accepté de transférer au CNM l’intégralité des sommes qu’elles consacrent aux aides. Les principales organisations de la filière musicale (Sacem, Adami, SCPP, Snep, Upfi, CGT Spectacle…) ont été reçues le 11 juillet par Aurélie Filippetti, pour la première fois depuis sa nomination. Elles ont pris acte du soutien que celle-ci apporte à la mise en œuvre du dossier mais « cette volonté d’aller de l’avant sur ce chantier essentiel pour l’avenir de la création et de la production musicale doit maintenant se traduire par des engagements concrets sur le financement du futur CNM », déclare l’association Tous Pour la Musique dont l’ensemble des organisations membres « en appellent à un arbitrage rapide du Premier ministre ».