Copie privée : le ministère de la Culture tente de limiter les dégâts
Pour rappel, le Conseil d’Etat a, dans un arrêt du 17 juin, exonéré les usages « professionnels » de la rémunération pour copie privée et annulé la décision n°11 (qui fixe les barèmes de la redevance) de la commission copie privée, lui donnant 6 mois pour revoir sa copie, sur la base d’études objectives et non plus sur des hypothèses. Et ce, au grand dam des ayants-droit qui, dans un communiqué ont tenté de minimiser la portée de cette décision. Le ministère de la Culture les soutient de façon manifeste dans cette démarche, au vu du texte qu’a présenté par Olivier Henrard le 28 juillet dans le cadre d’une réunion interministérielle, pour limiter ou contourner par la loi la décision du Conseil d’Etat.
Le texte – modifiant le Code de la propriété intellectuelle (partie législative) – stipule que la l’exonération pour usage professionnel se fera par remboursement, et non pas à la source, lors de l’achat du support. En clair, les professionnels devront d’abord payer la rémunération en France puis en réclamer le remboursement. Autre filtre proposé, le remboursement concernera les seuls supports « dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privé ». S’il y a présomption (sur quels critères ?), ce sera aux professionnels d’apporter la preuve formelle de l’utilisation des supports à des fins « professionnelles ». Le texte ajoute : « la liste des informations et des pièces à fournir est définie par arrêté du ministre chargé de la Culture ».
L’article 3 du texte proposé, dans son dernier alinéa, accorde à la Commission copie privée un délai de 24 mois à compter de la publication de la loi pour revoir ses barèmes. Soit deux ans de bonus, faisant valoir que l’arrêt du Conseil d’Etat « représenterait un préjudice majeur pour l’ensemble des ayants droit de la musique, de l’audiovisuel et des arts plastiques » et qu’il « mettrait gravement en péril le financement de la création et du spectacle vivant ».
Enfin, le ministère veut, par l’article 4, rendre impossible les actions individuelles introduites en justice par « nombre de redevables » pour exiger le remboursement des sommes versées ou contester l’exigibilité des redevances à verser au titre de la copie privée, « en les expurgeant du motif d’annulation énoncé par le Conseil d’Etat ». « Eu égard à l’importance des sommes en jeu, ces actions risquent de perturber profondément le dispositif de rémunération et de neutraliser ainsi la non-rétroactivité de l’annulation prononcée par le Conseil d’Etat » justifie la Rue de Valois.
Le projet présenté a finalement été rejeté à l’issue de la réunion et le ministère de la Culture invité à retravailler sa copie.