Ce que pense Jacques Toubon du rapport Lescure
Dans une interview accordée à Isabelle Repiton et publiée dans La Tribune le 24 mai, Jacques Toubon a salué le rapport Lescure qui, selon lui, « marque un progrès » et « réalise ce que nous avions engagé en 2009 au sein de la mission Zelnik », dont il reprend plusieurs propositions, comme le passage à la gestion collective pour la musique en ligne. « Les professionnels finiront-ils par l’accepter ou finira-t-on par l’imposer par la loi ? », s’interroge l’ancien ministre de la Culture, en ajoutant que ce rapport « restera sans effet sur l’économie des filières s’il n’y a pas une volonté politique ».
Concernant la disparition de la Hadopi (dont il a fait partie du collège pendant 3 ans), elle « a réussi l’exploit de faire un bon travail dans une ambiance exécrable » (…) et « a accompli sa mission ». Et d’ajouter : « Pour développer l’offre culturelle légale en ligne, les moyens dont disposait la Hadopi étaient limités. Les professionnels ne voulaient pas qu’on s’en occupe, au-delà de la labellisation des sites ». Il considère que le transfert des missions de la Haute Autorité au CSA « est une mesure de rationalisation des choix budgétaires » et ne voit pas d’inconvénient à la suppression de coupure de l’accès Internet mais observe que « si le grand public a un sentiment d’impunité, la pédagogie de la propriété intellectuelle, qu’a réussie la Hadopi, risque d’être moins efficace ».
Interrogé sur les rapports avec diffuseurs pour la musique en ligne, l’ancien ministre ne manie pas la langue de bois : « les producteurs gardent encore l’idée qu’ils sont dans une situation dominante, alors que ce sont les plateformes qui vont prendre le dessus. Et je ne voudrais pas que, pour le streaming, comme dans le téléchargement, un acteur comme iTunes acquiert une position ultra dominante. Il faut que l’on parvienne à développer des plateformes européennes comme Deezer, Spotify. Et cela passe par une plus grande transparence, de meilleures conditions économiques. Toutes les propositions Lescure sont dans la ligne du rapport Zelnik et vont dans le bon sens. Mais à un moment il faudra mettre les détenteurs de musique au pied du mur ».
En matière de politique culturelle à l’ère numérique, Jacques Toubon considère qu’il y a deux convictions, qui divisent aussi bien la droite que la gauche : d’un côté, celle de la « facilité du nombre » pour qui les milliards d’internautes ont forcément raison face à quelques milliers d’artistes (« Elle accepte la tyrannie des usagers et des usages »), de l’autre, le camp de « l’exigence de l’esprit et de la culture ». De son point de vue, le rapport Lescure « réconcilie les deux approches ».