Carte Musique : problématiques de concurrence et de financement
La Carte musique sera bien lancée le 21 juin. La date a été confirmée par le ministère de la Culture le 5 mai lors d’une réunion avec les représentants des ayants droit et un décret est en cours de préparation. Ce lancement sera accompagné de la création d’un portail spécifique pour orienter les 12-24 ans auxquels est destinée l’initiative vers les plates-formes de téléchargement légal partenaires.
Pour autant, la mise en place du dispositif se heurte à quelques problématiques. A commencer par les vives réactions exprimées par les acteurs de la musique en ligne face à la domination d’Apple sur ce secteur via sa plateforme iTunes (domiciliée au Luxembourg où elle paye un taux de TVA très bas). « On va subventionner avec des deniers publics un opérateur qui ne paie pas de TVA en France, alors que nous devons payer 19,6 % ! C’est insupportable » s’insurge l’un de ses concurrents dans Les Echos. Pour éviter la concentration de ces subventions, le ministère de la Culture va soumettre la Carte musique à des quotas. Un seul opérateur ne pourra bénéficier de plus de 30 % du budget total alloué par l’Etat, qui prend en charge 25 € sur la valeur faciale de 50 € des cartes. S’agissant de subventions, le dispositif doit par ailleurs recevoir l’aval de la Commission européenne, dont il n’est pas certain qu’elle donne le feu vert avant le 21 juin.
Les FAI menacent…
Autre source de polémique : la remise en question par le gouvernement du taux réduit de TVA accordé aux opérateurs de triple-Play (offres Internet, téléphone et télévision). Pour compenser le financement de la Carte musique (estimé au départ à environ 20 M€ mais qui pourrait coûter 65 M€ selon d’autres hypothèses), la part de leur chiffre d’affaires taxée à 19,6% pourrait être revue à la hausse. C’est en tout cas le souhait de l’Etat, une proposition que les opérateurs considèrent comme inacceptable.
La Fédération française des Télécoms rejette le projet, rappelant que les fournisseurs d’accès à Internet sur qui pèserait cette nouvelle charge sont les premiers promoteurs et distributeurs de l’offre légale (les premiers à s’enrichir aussi du téléchargement illégal – NDLR). « Cette nouvelle taxation, qui s’ajouterait à de nombreuses autres, viendrait dégrader leur capacité à promouvoir et distribuer ces offres dans un contexte de concurrence mondiale pour la distribution de biens culturels dématérialisés. Elle constituera un facteur de désaffection fort pour l’investissement des FAI dans les nouveaux contenus et services. Une telle mesure serait donc synonyme de destruction de valeur pour l’industrie culturelle française » argumente le groupe de pression. Paradoxalement, une partie de l’industrie culturelle française (audiovisuel et cinéma) et des auteurs (SACD) défend le maintien de cette TVA réduite. Et pour cause : en contrepartie, les FAI versent près de 100 M€ par an au Josip, le compte de soutien aux programmes… L’avantage fiscal dont bénéficient les FAI français (et qui leur fait économiser 200 M€ par an depuis plusieurs années) pourrait d’ailleurs être anéanti par la Commission européenne, qui le juge illégal au regard de 7 articles de la directive TVA. Elle vient de mettre en demeure la France d’y mettre fin. « Le gouvernement se trouve en fait pris au piège de sa politique sur les contenus culturels » commente Alain Bagot, président de l’UFC-Que Choisir.