Bras de fer avec You Tube, qui a cessé la monétisation des clips
Rien ne va plus en France entre YouTube et la filière musicale. L’accord conclu par la plateforme vidéo de Google avec la Sacem en 2010 (avec effet rétroactif depuis 2006) a pris fin le 31 décembre dernier et n’a pas été renouvelé. Du coup, YouTube vient de suspendre la monétisation des vidéos musicales sur le territoire français. Plus de publicité affichée, et donc un manque à gagner (de plusieurs centaines de milliers d’euros selon certaines estimations) pour beaucoup de labels et distributeurs pour lesquels YouTube constitue la seconde source de revenus numériques* derrière iTunes.
Des négociations étaient en cours avec YouTube depuis l’automne pour la conclusion d’un nouveau contrat à compter du 1er janvier 2013 et « des progrès significatifs ont été accomplis ces dernières semaines dans un esprit de dialogue mutuel constructif » indique la Sacem. Mais YouTube France a pris la décision le 19 janvier d’interrompre temporairement la monétisation des vidéos musicales en France, et donc leur rémunération, qu’il s’agisse des maisons de disques, de musiciens autoproduits, des artistes interprètes ou des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.
La Sacem, qui dément tout blocage et affirme une « volonté d’aboutir positivement de part et d’autres » juge cette décision injustifiée et incompréhensible, d’autant que d’autres acteurs numériques actuellement en renégociation de leur contrat ont maintenu la monétisation des contenus musicaux. Elle a demandé formellement à YouTube le rétablissement de la monétisation. « Cette interruption, si elle se prolongeait, ne pourrait qu’être préjudiciable aux négociations en cours », souligne la société d’auteurs qui constate que « l’interruption de la monétisation directe des vidéos musicales sur YouTube n’a en rien entravé la diffusion massive de vidéos musicales et l’activité publicitaire hors musique de YouTube ».
Le désaccord porterait sur la transmission des métadonnées (les données liées aux œuvres qui permettent une identification au plus juste des ayants droit) et sur les taux de répartition, qui n’étaient pas définitivement arbitrés. Selon la Sacem, c’est la fragmentation des répertoires voulue par Bruxelles, qui complique la situation, avec de grands éditeurs qui négocient en direct avec YouTube. La plateforme se plaint, de son côté, de la difficulté à savoir quels sont les œuvres et répertoires réellement représentés par la société d’auteurs.
La réaction des producteurs phonographiques ne s’est pas faite attendre. A l’occasion du Midem, Pascal Nègre, président d’Universal Music France, a menacé de retirer de YouTube tous les clips musicaux de la major si la plateforme ne rétablit pas leur monétisation, et a laissé entendre, lors de la conférence de presse du Snep, que « ça pourrait être le cas de tous les producteurs de cette table » (donc l’ensemble des majors). L’UPFI s’est aussi insurgé contre la décision de YouTube. « Nous n’acceptons pas ce chantage, exercé à l’occasion d’une négociation commerciale qui ne nous concerne pas » a déclaré son directeur, Jérôme Roger.
La filière musicale française souhaite obtenir un partage plus avantageux des recettes publicitaires mais la filiale de Google s’y refuse, se limitant à lâcher quelques miettes. La vidéo de Psy « Gangnam Style », qui a dépassé 1,24 milliard de vues, n’a généré que 8 millions de dollars de recettes publicitaires dans le monde. La France n’est pas la seule à batailler avec YouTube. En Allemagne, de nombreuses vidéos musicales (on parle de 60%) sont inaccessibles en raison d’un blocage entre la plateforme et la Gema (la société d’auteurs allemande) depuis 2009, faute d’accord sur le mode de calcul des droits reversés
(*) YouTube aurait versé plus de 500 millions de dollars à l’industrie musicale de 45 pays en 2011 et 2012.