Allain Leprest tire sa révérence...
Le chanteur et auteur Allain Leprest s’est donnée la mort le 15 août à Antraigues en Ardèche (où il avait été l’invité d’honneur d’un festival Jean Ferrat à la mi-juillet). Il était âgé de 57 ans. Figure de la chanson française, il n’avait jamais eu la reconnaissance qu’il méritait auprès du public et n’était pas diffusé en radio ou TV, mais avait l’admiration et le respect de ses pairs pour sa finesse d’auteur, sa voix rocailleuse et ses textes mélancoliques, son écriture réaliste et inspirée, ses formules ciselées comme des diamants…
Allain Leprest avait fait ses débuts dans les cabarets parisiens en 1982, avait été révélé au Printemps de Bourges en 1985, avait signé l’année suivante chez Gérard Meys, producteur de Jean Ferrat, avait connu la consécration lors d’un récital unique à l’Olympia en 1995, écrit aussi pour Juliette Gréco, Isabelle Aubret, Enzo Enzo, Francesca Solleville et Romain Didier. Ses 32 ans de carrière sont ponctués d’une dizaine d’albums, dont le dernier paru en 2008, et de notables distinctions : deux Grand prix de l’Académie Charles-Cros (en 1993 pour l’album « Voce a mano » et en 2008 pour l’ensemble de son œuvre) et trois prix Sacem (Prix spécial et Prix Raoul Breton en 1996, Grand prix des poètes en 2009).
Membre du PC, engagé mais s’interdisant de prendre son activité comme une estrade, se revendiquant volontiers comme un « ouvrier de la chanson française », l’auteur et interprète aura influencé durablement plusieurs générations d’artistes. Une flopée d’entre eux s’étaient réunis autour de lui en 2007 et 2009 pour lui rendre hommage à travers « Chez Leprest » un album de reprises en deux volumes : Olivia Ruiz, Daniel Lavoie, Jacques Higelin, Sanseverino, Michel Fugain, Nilda Fernandez, Enzo Enzo, Jean Guidoni, Loïc Lantoine, Hervé Vilard, Clarika, Adamo, Kent, la Rue Ketanou…
Surnommé « Le Rimbaud du XXe siècle » par Jean d’Ormesson ou « le plus célèbre des artistes maudits » par Libération, « Alain Leprest était pour beaucoup de ses confrères auteurs, et non des moindres, le plus grand poète vivant » écrit la Sacem dans un communiqué lui rendant hommage. C’était « l’un des plus foudroyants auteurs de chansons que j’ai entendus au ciel de la langue française » disait de lui Claude Nougaro, « un homme sans concession qui aura tracé sa voix très loin des sentiers battus », « un artiste immense et rare » pour Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture. « Suis-je venu trop tôt ? Trop tard ? Je pratique pourtant tout le contraire d’une chanson élitiste. Ou il s’agit d’un élitisme de masse comme dirait Malraux ! » avait répondu Allain Leprest, interrogé sur son rendez-vous manqué avec le public.