Loi Création et Internet : l’opposition demande, en vain, le report
Lors de la reprise des travaux le 30 mars, Patrick Bloche a rappelé les événements survenus pendant les dix-huit jours d’interruption : l’amplification du débat public qui « a permis à nombre de nos concitoyens – et sans doute aussi à nombre de députés de la majorité – de prendre conscience des effets funestes du projet de loi dont nous débattons » et l’adoption du rapport Lambrinidis par le Parlement européen qui « a rappelé, une nouvelle fois et de la façon la plus nette, que l’accès à Internet est un droit fondamental que toute interruption volontaire, même temporaire, remet en cause (…), ce qui implique que toute coupure se fasse sous le contrôle du juge ». Le député socialiste s’est réjouit que la secrétaire d’Etat chargée du développement de l’économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet (qu’il a qualifié de « la muette du sérail ») soit enfin intervenue dans le débat. « Force est de constater, madame la ministre, qu’elle n’a assuré là qu’un service minimum en termes de solidarité gouvernementale » a-t-il lancé à Christine Albanel.
Pour Martine Billard (Verts), les changements intervenus depuis le 12 mars « sont de nature à modifier l’appréciation du Gouvernement ». Elle rappelle au passage que la Nouvelle-Zélande, qui envisageait des mesures similaires, avait abandonné la riposte graduée et décidé de protéger le caractère ouvert d’Internet. « Comment le Gouvernement peut-il s’obstiner de la sorte à instaurer une riposte graduée allant jusqu’à la coupure des connexions Internet quand les pays ayant envisagé cette solution l’abandonnent les uns après les autres et que le Parlement européen s’y oppose, deux fois de suite, à une si forte majorité ? » demande-t-elle.
Christian Paul (PS) argumente : « Quand une loi divise autant, paraît aussi hasardeuse dans son application, aussi imprévisible et aléatoire d’un point de vue technique, ce n’est pas une bonne loi. Quand une loi s’affranchit des libertés fondamentales, comme le souligne le Parlement européen lui-même, quand elle est porteuse d’autant de contentieux, ce n’est pas une bonne loi. Quand une loi est source d’autant de méfiance – méfiance à l’égard des internautes, infantilisés ; méfiance à l’égard des juges, que vous souhaitez contourner ; méfiance à l’égard de l’Internet, diabolisé –, ce n’est pas une bonne loi. Quand une loi a des conséquences aussi disproportionnées sur les libertés numériques, ce ne peut être une bonne loi. Enfin, quand une loi s’enferme dans des solutions impraticables qui défient le simple bon sens, ce ne peut être une bonne loi ». A
Au nom du groupe socialiste, le député a demandé solennellement à la ministre de la Culture de suspendre l’examen de la loi pendant quelques semaines – deux mois au plus, pour permettre à une mission d’information réunissant les députés de tous bords « de travailler sérieusement sur ce sujet et de ne pas vous réfugier derrière le faux consensus de l’Élysée ».