Alain Bashung disparaît, à l’âge de 61 ans
Le chanteur et musicien Alain Bashung est mort samedi 14 mars, dans l’après-midi, à l’hôpital Saint-Joseph à Paris, des suites d’un cancer du poumon. Il avait 61 ans. Le monde de la musique perd l’un de ses derniers géants. Atypique, singulier, exigeant, poétique et populaire, audacieux mais pudique, innovant, sensible, élégant et généreux, d’une grande présence sur scène… Les qualificatifs ne manquent pas pour évoquer l’artiste et l’homme d’exception qu’était Alain Bashung.
On se souvient de sa dernière et émouvante apparition publique le 28 février dernier lors des Victoires
de la Musique, où il avait tenu à être présent malgré la maladie qui l’affaiblissait depuis deux ans et l’avait conduit à annuler plusieurs concerts ces dernières semaines (il était notamment programmé au Grand Rex les 17 et 18 mars). Ce soir là, ovationné, il avait remporté trois nouveaux trophées et devenait l’artiste le plus récompensé de l’histoire de la manifestation. « Un jour je parlerais moins jusqu’au jour où je ne parlerai plus » avait chanté Bashung ce 28 février…
Trop en avance ? Le succès a été long à venir pour le jeune rocker qui a grandi en Alsace en écoutant Gene Vincent et la country music US: premier groupe en 1962, premier album en 1977, accès à la notoriété en 1980 avec le single « Gaby oh Gaby », puis « Vertige de l’amour »… L’album « Osez Joséphine », coécrit avec Jean Fauque, lui vaudra la consécration critique et commerciale en 1991 (350 000 exemplaires vendus). Mais on ne peut ainsi résumer 43 ans de carrière ponctuée de 14 albums studio (dont le dernier « Bleu pétrole », consacré aux Victoires 2009), 4 albums live, 38 singles, le tout animé d’une recherche constante de renouvellement. Sans oublier son autre passion, le cinéma. Il a joué dans une quinzaine de films (Fernando Arrabal, Patrice Leconte, ou récemment Samuel Benchetrit).
« On n’a pas fini de se rendre compte à quel point son œuvre va être durable », commente Jean Fauque, son parolier fétiche (notamment sur les albums « Osez Joséphine » et « Fantaisie militaire », consacré meilleur album des vingt dernières années aux Victoires 2005), en évoquant l’étonnante cohésion de l’artiste, malgré la diversité musicale qu’il a pu aborder.
Hommages unanimes
Les hommages se succèdent, unanimes, au lendemain de sa disparition : « J’ai l’impression d’avoir perdu un frère » (Dick Rivers), « un modèle, un immense personnage, accessible, incroyablement humble, à la carrière et au répertoire riches » (Benabar), « un homme formidable et discret » (Régine), « le plus grand » (Raphaël), « le roi des atmosphères » (Olivia Ruiz), « c’était à la fois un chercheur et un chanteur qui touchait le grand public » (Bertrand Dicale, journaliste), « il a montré que c’était possible d’élever les choses vers le haut. C’est un magnifique exemple » (Arthur H). Pascal Nègre, président d’Universal Music (dont le label Barclay était la maison de disques d’Alain Bashung), a rendu hommage à « un esthète absolu, avec un univers unique » qui « rejoint au firmament Brel, Barbara, Brassens et Ferré ». Tout en notant que, lors des Victoires de la musique, « il nous parlait au passé ».
Unanimité aussi dans la classe politique. « C’est un prince qui ce soir nous a quittés, un immense poète, un chanteur engagé » a déclaré Nicolas Sarkozy, en apprenant la disparition de l’artiste « qui marquera l’histoire de la musique ». Le premier ministre François Fillon a salué « le gentleman rocker de la chanson française » qui a connu un « immense succès populaire sans jamais se départir d’une recherche d’esthétique et d’exploration d’un univers qui lui était très personnel », tandis que la ministre de la Culture Christine Albanel évoquait « une œuvre forte, sensible, souvent mélancolique, qui résonnera longtemps dans nos cœurs et nos mémoires ».
Pour Ségolène Royal, la France « perd un de ses plus grands chanteurs ». Pour l’ancien ministre PS à la Culture, Jack Lang, Alain Bashung « restera à jamais comme une icône de notre temps, à offrir en exemple aux nouvelles générations » et ajoutant que « jusqu’au bout, il aura exprimé avec noblesse et générosité un message d’ouverture au monde ». Bertrand Delanoë a, lui aussi, rendu hommage à sa mémoire. « L’amour et le respect qu’il portait à son public l’ont maintenu debout malgré la maladie, qu’il a combattue avec une dignité et un courage exceptionnels » a souligné le maire de Paris.
Alain Bashung avait encore plein de projets, confie Jean Fauque, et avait annoncé à sa maison de disques un nouvel album.