Loi Création et Internet : critiques et amendements
Les députés socialistes, réunis le 4 mars, ont décidé de voter contre le projet de loi. Pour Patrick Bloche, le texte « oppose inutilement artistes et internautes, ne rapportera pas un euro de plus aux artistes et a un train de retard sur le plan de la consommation numérique ». Plusieurs députés PS avaient déjà fustigé le texte lors de l’audition de Christine Albanel devant la Commission des Lois et celles des Affaires culturelles de l’Assemblée le 17 février. « C’est un pari perdu d’avance » estime Patrick Bloche. « D’un point de vue strictement économique, le projet de loi Création et Internet n’est rien qu’une usine à gaz qui va coûter cher au citoyen et ne va pas rapporter un centime de plus aux artistes » estime Guy Bono. « La cible première des poursuites est constituée des internautes, qui sont souvent les meilleurs clients de l’industrie. Et une industrie qui part en guerre contre ses propres consommateurs ne peut que perdre » considère l’eurodéputé PS en ajoutant : « de plus, le principe de riposte graduée est condamné par l’Europe qui y voit là une atteinte au droit à un procès équitable ».
Au sein de la majorité, un certain nombre d’élus jugent excessive la possible suspension de l’accès Internet. Les députés UMP Lionel Tardy (Haute-Savoie), Marc Le Fur (Côtes-d’Armor, vice-président de l’Assemblée) et Alain Suguenot (Côte d’Or) ont déposé plusieurs amendements qui visent les fondements du projet de loi. Ils considèrent que la suspension de l’accès Internet est une sanction « qui doit relever uniquement de l’autorité judiciaire » et plaident pour la réintégration du juge pour l’accès aux données personnelles des internautes. Ils s’opposent par ailleurs à la disposition selon laquelle la Haute Autorité pourrait réduire le débit des internautes, et proposent de remplacer la coupure de l’accès Internet par une simple amende. D’autres députés de la majorité préconisent le blocage des sites suspects par les fournisseurs d’accès (amendement député par Patrick Ollier, président de la commission des Affaires économiques). Bref, on évoque de plus en plus des « plans B ». Un certain nombre des amendements proposés ont été validés par la commission des Affaires économiques de l’Assemblée le 4 mars et seront donc débattus lors de l’examen du projet de loi par les députés.
La commission parlementaire qui prépare le débat a voté un amendement porté par le député centriste Jean Dionis du Séjour qui prévoit de légaliser l’échange de fichiers en peer-to-peer pour les œuvres qui ne sont pas disponibles sur les offres légales en ligne : « Sachant l’évolution inexorable du modèle économique des contenus, il est proposé que la sanction ne puisse viser que le téléchargement d’œuvres existantes au titre d’une offre légale. Cette solution permettra de motiver directement les ayants droit » explique le député du Lot-et-Garonne. Il juge la coupure de l’accès Internet « trop agressif, contestable, difficile et coûteux à mettre en œuvre ».
L’absence de mesures pour le financement de la création est un autre sujet de critiques, tant dans les rangs de l’opposition que dans ceux de la majorité. « Alors que le gouvernement prévoit de financer la nouvelle télévision publique par l’instauration d’une taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet, il est étonnant de voir que le même pouvoir se refuse à toute taxation pour financer la création » note le socialiste Guy Bono. Alain Suguenot a d’ailleurs déposé un amendement prévoyant de répartir les revenus des FAI en faveur de la création. Pour le député-maire UMP de Beaune, « le projet de loi, qui comporte pourtant le mot « création » dans son intitulé, ne prévoit pas de financement en faveur de celle-ci. Or, l’internaute ne peut assurer, à lui seul, le financement des auteurs et interprètes ». Rappelant au passage que la loi DADVSI n’a pas empêché le développement du piratage, il propose de « créer un fond spécifique à travers Internet pour financer la création ».