Les réactions à la décision de la Commission européenne
On s’en doute, la décision de Bruxelles a fait l’effet d’une bombe dans le Landerneau du droit d’auteur européen. Les sociétés de gestion collective voient ainsi leur fonctionnement en partie bouleversé. Déjà début juillet, l’Association européenne des auteurs et compositeurs (ECSA) avait vivement critiqué le projet de la Commission, jugé « catastrophique » pour la création musicale. Son vice-président, Bernard Grimaldi, estime que « mettre les sociétés nationales en concurrence reviendrait à étouffer les auteurs indépendants en bradant leurs droits » et aboutirait inévitablement à une baisse des rémunérations des créateurs. Le lobby, qui représente 36 organisations dans 25 pays de l’Union, avait présenté au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, un appel signé par plus de 220 artistes (dont Charles Aznavour, James Blunt, Bryan Ferry, Robin Gibb, David Gilmour, Julio Iglesias, Paul McCartney, Sade, Gabriel Yared, Mark Knopfler…) pour geler toute décision qui pourrait engendrer une concurrence destructive entre les sociétés d’auteurs. Visiblement en vain.
La Cisac critique cette décision « qui prétend agir au nom des créateurs mais qui, en fait, leur est imposée contre leur volonté ». Elle indique que « les reproches de la Commission concernant la clause d’adhésion ont été résolus depuis longtemps » et que la liberté d‘affiliation « est déjà un principe établi et largement appliqué par les sociétés dans l’ensemble de l’Espace Economique Européen ». Selon la Confédération, « la conception de la territorialité qui ressort de cette décision va inévitablement entraîner une fragmentation catastrophique du répertoire et sera, par conséquent, source d’insécurité juridique pour les utilisateurs ». Y voyant « le déclin dramatique de la création artistique, de la diversité culturelle et des moyens de subsistance des créateurs », la Cisac annonce qu’elle va évaluer avec ses membres toutes les conséquences de la décision de Bruxelles, « non seulement pour les 2,5 millions des créateurs dont les intérêts sont menacés (…) mais aussi pour les utilisateurs ». Steve Porter, président de la MCPS-PRS britannique, se dit déçu de la démarche de la Commission, considérant que la question de licence multi territoriale « devrait être laissé au développement du marché ».
De son côté, Bernard Miyet, président du directoire de la Sacem, s’interroge sur le bien-fondé de l’initiative bruxelloise qui, selon lui, n’apporte pas de solution pratique sur ce problème. « Les droits d’auteur sont déjà fragmentés, l’idée d’un guichet unique n’a donc pas de réalité » explique-t-il en indiquant que la décision de la Commission « ne peut pas changer la fragmentation des répertoires et l’impossibilité pour chaque société de donner une autorisation paneuropéenne sur le répertoire mondial ». Pour Bernard Miyet, « ce qui vient d’être décidé ne va non seulement rien résoudre mais risque de compliquer encore plus une situation déjà très embrouillée ». Il juge pour sa part ces mesures « théoriques et sans correspondance avec les besoins du marché ». Il regrette que la Commission n’ait eue « une vraie discussion avec les acteurs concernés pour élaborer des solutions pragmatiques. Quant à la liberté d’affiliation, il souligne qu’elle existe « depuis 1974 pour la Sacem » qui compte 15 000 membres étrangers.