Bruxelles impose la concurrence aux sociétés d’auteurs
La Commission Européenne a rendu le 16 juillet une décision qui casse les monopoles des sociétés d’auteurs, estimant leurs pratiques contraires aux règles communautaires de la concurrence. Elle interdit aux 24 sociétés de l’Union membres de la Cisac (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs) « de restreindre la concurrence en limitant leur capacité d’offrir leurs services (…) en dehors de leur territoire national. Bruxelles, qui veut ainsi mettre fin à la « segmentation stricte du marché sur une base nationale » et permettre aux sociétés d’auteurs « de ce concurrencer en termes de qualité de leurs services et de niveaux de leurs frais administratifs », institue trois principes : la liberté d’affiliation, l’abolition des contrats d’exclusivité et celle des restrictions territoriales.
Désormais, les auteurs et compositeurs pourront librement choisir la société qui gèrera leurs droits au niveau mondial, selon « la qualité du service, l’efficacité de la gestion collective et le niveau des frais de gestion réduits », sans être contraints de s’adresser à celle de son pays. De même, les utilisateurs commerciaux de musique (radiodiffuseurs, fournisseurs de musique en ligne…) pourront s’adresser à la société d’auteurs de leur choix pour leurs demandes de licences, alors que selon une clause figurant dans les accords bilatéraux complexes ils devaient jusque là s’adresser exclusivement à leur société nationale. Enfin est désormais interdit d’appliquer la clause de « restriction territoriale » qui les obligeait à négocier les droits pays par pays.
L’initiative de Bruxelles est le résultat d’un processus entamé suite à une plainte de RTL Group en 2000 qui avait conduit la commission à ouvrir une consultation, à proposer plusieurs recommandations en 2005, à envoyer des griefs à plusieurs sociétés dont la Sacem et tenter une conciliation avec la Cisac, avant d’estimer insuffisants l’an dernier les engagements pris par les sociétés de gestion. « Cette décision aura un effet positif sur la diversité culturelle dans la mesure où elle encouragera les sociétés de gestion collective à offrir aux compositeurs et aux paroliers de meilleures conditions » assure la commissaire à la Concurrence Neelie Kroes. « Elle facilitera également le développement de la diffusion par satellite, par câble et sur Internet, en offrant aux auditeurs un choix plus vaste et aux auteurs des revenus potentiellement plus importants ».
Car la Commission reconnaît le rôle précieux des sociétés nationales pour les collectes traditionnelles (spectacles, radios, discothèques…) qui assurent l’essentiel des perceptions mais veut favoriser le développement des droits Internet, par essence transfrontaliers, et l’octroi de licences paneuropéennes. Et si sa décision met fin aux monopoles nationaux, elle permet en revanche aux sociétés d’auteurs de proposer leurs services dans l’ensemble de l’Union. Bruxelles permet cependant aux sociétés d’auteur – qui disposent de 120 jours pour adapter leurs outils administratifs – de conserver leurs accords bilatéraux existants pour peu qu’ils respectent cette nouvelle législation et le droit de fixer le niveau des redevances dues sur leur territoire national.