Bruxelles veut prolonger les droits des artistes et producteurs
La Commission européenne a annoncé le 14 février son intention de proposer la prolongation de la durée de protection des enregistrements phonographiques en Europe de 50 ans (après la date de leur première publication) à 95 ans, comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis depuis 1998. « Je ne vois pas de raison convaincante justifiant qu’un compositeur bénéficie d’une protection de ses droits pendant toute sa vie et 70 ans après, alors qu’un interprète ne voit ses droits protégés que pendant 50 ans, ce qui ne couvre souvent même pas sa vie entière » explique Charlie McCreevy, commissaire européen au Marché intérieur, qui se dit « convaincu que la protection des droits des interprètes relève d’un droit moral de contrôler l’utilisation de leur travail et de pouvoir vivre de leurs interprétations ». Pour le commissaire européen, il s’agit surtout de protéger les milliers de musiciens de studio anonymes qui, sinon, ne percevront plus aucune redevance liée à leur contribution, « alors qu’il s’agit souvent de leur seule retraite ». Il propose d’ailleurs que les maisons de disques créent un fonds qui leur soit spécifiquement destiné, abondé par « au moins 20% des recettes perçues au cours de la période prolongée ». La Commission européenne souhaite voir sa proposition adoptée avant l’été, pour modifier – en concertation avec les Etats membres et le Parlement européen – la directive relative à la durée des droits voisins du 29 octobre 1993.
Les réactions
Bien entendu, cette annonce est accueillie favorablement par les principaux concernés, à savoir les artistes-interprètes et les producteurs phonographiques, inquiets de voir des pans entiers de catalogue tomber dans le domaine public (c’est déjà le cas pour Brel, Brassens, Piaf, Karajan, Aznavour, Gréco, Elvis Presley… Cela le sera bientôt pour Johnny Hallyday ou les Beatles…). L’Association des organisations européennes d’artistes-interprètes (Aepo-Artis) se réjouit de la proposition de la Commission, mais attend des précisions sur le système envisagé. L’Adami annonce au passage qu’elle réunira à Bruxelles, le 12 juin, l’ensemble des acteurs français et européens concernés par cette réforme, au cours d’une conférence organisée autour de Jacques Toubon, ancien ministre et député européen et qui abordera entre autres les enjeux liés à la rémunération de l’artiste-interprète à l’ère numérique. Le Snep, lui, voit un « pas en avant » dans la position favorable de Bruxelles, qui « marque une étape clé dans le processus d'approbation de cette mesure par l'ensemble des gouvernements de l'Union Européenne ». Le Syndicat national de l’édition phonographique insiste sur la nécessité d'un traitement équitable entre artistes et producteurs qui « doivent bénéficier d'une même durée de protection ».
Garantir le financement de la filière
Christine Albanel se félicite également de l’initiative de la Commission européenne, qu’elle avait saisie le 15 janvier sur ce sujet. L'extension de la durée légale de protection des droits voisins constituait d’ailleurs l'un des volets du plan d'avenir pour l'industrie musicale que la ministre avait annoncé au Midem fin janvier. Elle rappelle que « cette extension se justifie par une série de raisons qui tiennent tant à l’équité qu’à la préservation de la diversité culturelle et à la compétitivité du marché européen ». Christine Albanel souligne que « l’allongement de la durée de la vie des créateurs a aujourd’hui pour conséquence que des pans entiers du fonds de catalogue des années 1950 et 1960, représentant une part très significative du patrimoine national dans le domaine des variétés, tombent progressivement dans le domaine public alors même que les interprètes de ces œuvres sont encore vivants et que les enregistrements continuent d'être exploités ». Pour la ministre, la durée des droits voisins « doit être envisagée au regard de la nécessité de garantir le financement de la filière musicale à l'heure où celle-ci se trouve fragilisée par le piratage massif des œuvres sur les nouveaux réseaux et doit se préparer, dans ce contexte particulièrement difficile, à la transition vers un nouveau modèle économique pleinement en phase avec le contexte numérique ».
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