Répression du téléchargement illicite : le rapport qui dérange
Newsletter n° 22 – Mardi 15 mai 2007
Par lettre de mission du 16 janvier, Renaud Donnedieu de Vabres avait chargé Jean Cédras, professeur de droit et avocat général auprès de la Cour de Cassation, de « rechercher des solutions au problème du téléchargement illicite des œuvres protégées par le droit d’auteur ». Ces solutions se voulaient « complémentaires de la répression de la contrefaçon » et « adaptées au traitement d’une grande masse d’infractions qui, prises isolément, occasionnent un trouble limité ». Le ministre suggérait a priori d’imaginer un dispositif combinant des actions préventives et de sensibilisation des internautes et des « sanctions pécuniaires adaptées et proportionnées », en impliquant les fournisseurs d’accès à Internet.
Une conclusion sans appel
Après avoir interrogé de nombreux représentants économiques et institutionnels (Snep, SPPF, Upfi, Sacem, CSDEM, Alpa, SACD, ARP ont notamment été consultés), Jean Cédras a remis son rapport le 12 avril dernier au ministre de la Culture, qui ne l’a pas rendu public à ce jour. Il est vrai que ses conclusions ne vont pas dans le sens espéré. S’il rappelle au préalable que « l’accès libre, gratuit et sans limite aux œuvres protégées est inadmissible éthiquement, économiquement et juridiquement », le rapport conclut à l’impossibilité de la répression contre le téléchargement illégal, pour des raisons techniques ou juridiques. En 43 pages, l’auteur passe en revue les défauts du dispositif de répression envisagé, souligne que la sanction encourue selon la loi « paraît disproportionnée à tous les observateurs et au gouvernement » et constate que « sept mois après la promulgation de la loi DADVSI, aucune poursuite n’a été exercée sur le fondement de ce texte. ». Concernant le but à atteindre – à savoir « prévenir la masse des petits téléchargements occasionnels, faits sans but lucratif autre que le non paiement du bien » –, Jean Cédras estime que « la responsabilité pénale ou civile de l’abonné pour contrefaçon au regard des petits téléchargements illicites ne peut plus être retenue ».
Imputabilité et filtrage impossibles
Il se base pour cela sur l’impossibilité d’une réelle imputabilité, l’abonné ne pouvant empêcher que son adresse IP soit utilisée par autrui à son insu (piratage des connexions wifi, spoofing, adresse IP commune à plusieurs postes…). Il estime aussi impossible le filtrage, que ce soit du côté de l’abonné (renvoyant au traitement informatisé des données personnelles désapprouvé par la CNIL) ou du côté du FAI (hypothèse irréaliste en raison de son coût disproportionné). Tout en posant la question de la pertinence et de la fiabilité du filtrage des œuvres, facilement contournable. « Une esquisse de solution pourrait alors être cherchée dans des accords collectifs entre les ayants droit et les opérateurs de télécoms, fournisseurs d’accès ou d’hébergement, ou les sites » écrit Jean Cédras. Le juriste rejette le principe de riposte graduée, rappelle que l’idée d’une « dualité de contrefaçons » a été clairement rejetée par le Conseil constitutionnel et souligne que les méthodes actuelles de détection ne permettent pas d’engager la responsabilité de l’internaute sans visite de son disque dur, ce qui exclut le régime de contraventions automatiques envisagé. Seules pistes retenues par le rapport : les actions de prévention et sensibilisation (« un travail de longue haleine » convient son auteur) et le développement de l’offre légale qui s’est très largement améliorée depuis quelques mois mais dont le marché est encore atone. Pour Jean Cédras, la question du maintien des DRM se poserait alors « avec une plus grande acuité ».
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