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Le conseil constitutionnel durcit la loi DADVSI

22 Mai 2007 , Rédigé par Gildas Lefeuvre Publié dans #Législation

Newsletter n° 5 – Jeudi 3 août 2006
 Le Conseil constitutionnel a statué le 27 juillet sur la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, suite au recours déposé le 7 juillet par le groupe socialiste de l’Assemblée, auquel s’étaient associés trois députés Verts, quatre communistes et deux UDF dont leur président François Bayrou. Les neuf sages du Conseil ont validé l’essentiel du texte adopté le 30 juin par le Parlement, rejetant « la plus grande partie de l’argumentation des requérants » mais ont censuré quatre de ses articles.
 
Quatre articles recalés
 
Ont ainsi été déclarés anti-constitutionnels :
- le dernier alinéa de l’article 21 qui instituait, « dans des conditions imprécises et discriminatoires », une cause d’exonération de la répression prévue par le reste de cet article à l’encontre de logiciels manifestement destinés à échanger des œuvres sans autorisation.
- les articles 22 et 23 - « en raison de la définition imprécise de la notion d’interopérabilité » - qui exonéraient de responsabilité pénale le contournement des mesures techniques de protection voulues par les auteurs et titulaires de droits voisins, ainsi que l’altération des éléments d’information relatifs à leur régime de protection, lorsque de tels actes étaient « réalisés à des fins d’interopérabilité ».
- l’article 24 qui, dans le cas particulier de l’utilisation d’un logiciel d’échanges « pair à pair », qualifiait de contraventions des actes de reproduction ou de mise à disposition d’œuvres protégées. Ces actes constituant des délits de contrefaçon s’ils étaient commis par tout autre moyen de communication en ligne, l’article est jugé « contraire au principe d’égalité devant la loi pénale ».
 
Enfin, le Conseil a émis une série de réserves d’interprétation évitant soit une atteinte inconstitutionnelle aux droits de propriété intellectuelle des concepteurs des mesures techniques de protection, soit des incompatibilités manifestes avec la directive européenne que la loi DADVSI a pour objet de transposer. Ces réserves portent notamment sur le nombre de copies autorisées et la communication des codes sources des logiciels au titre de l’interopérabilité.
Pour résumer, l’édition de logiciels d’échange est interdite, les mesures techniques de protection sont validées et leur contournement réprimé, et surtout les sanctions réduites pour les internautes (la fameuse « riposte graduée », pierre angulaire de la loi) oubliées. Tout acte de piratage qu’il soit réalisé à partir d’un blog, d’un courriel ou d’un logiciel peer to peer, redevient de fait, comme avant le projet de loi, un délit de droit commun de contrefaçon, passible de 300 000 euros d’amende et de trois ans de prison. C’est une victoire pour l’industrie du disque, notamment pour le Snep et la SCPP, qui avaient transmis un mémoire au Conseil constitutionnel quelques jours avant sa décision. Les deux organismes, qui avaient pourtant accueilli avec satisfaction l’adoption du texte par le Parlement, s’y déclaraient favorables au maintien d’une répression dure en matière de contrefaçon. Les neuf Sages les ont entendus. 
 
L’industrie a gagné, les internautes sont consternés
 
La décision du Conseil constitutionnel suscite de vives réactions. Artistes et associations de consommateurs s’offusquent du durcissement du texte. Pour Bruno Ory-Lavollée, directeur de l’Adami, il s’agit d’un « retour consternant à la case départ ». L’Association des Audionautes considère que cette décision « fait de la loi DADVSI le texte le plus dur jamais passé dans le monde ». Pour Lionel Thoumyre, responsable des nouvelles techniques à la Spedidam et coordinateur de l’Alliance Public-Artistes, « tout le monde a perdu ». « C’est une décision très dure qui va rendre la loi tellement inacceptable et inapplicable qu’il faudra rouvrir le dossier » estime le député socialiste Christian Paul qui y voit un « désaveu massif pour le gouvernement ». Avis partagé par l’UFC-Que Choisir qui demande : « La France va-t-elle se singulariser comme étant l’un des Etats européens les plus répressifs ? Il est temps d’arrêter de s’arc-bouter sur des interdits illusoires et des sanctions stériles ».L’association estime que les conséquences de la décision du Conseil « aboutissent à renforcer la logique inadmissible du tout répressif ». Pour PC INpact, cette décision « marque la fin de la rocambolesque aventure de la loi DADVSI, encore marquée voilà peu par la décoration de Chevalier de l’ordre national du mérite attribuée à la lobbyiste d’Universal pour son travail accompli ».
 
De son côté, le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres tente de faire bonne figure. Il se déclare satisfait que l’essentiel des dispositions de la loi ait été validé, estimant que celle-ci « concilie l’avenir de la création musicale et cinématographique française et celui du logiciel libre ainsi que l’accès des internautes à la culture ». En revanche, le ministre prend acte avec regret du rétablissement des peines de prison pour les internautes, dont il rejette la responsabilité sur l’opposition. Réaffirmant la nécessité « que les sanctions soient justes et proportionnées en fonction de la gravité des faits », RDDV annonce qu’il va saisir le Garde des Sceaux pour que les « poursuites soient orientées vers les cas les plus graves ».
 
La publication de la loi au Journal Officiel devrait avoir lieu dans les prochains jours. Le texte « prévoit qu’un rapport doit être remis au gouvernement dans 18 mois afin de juger de ses effets et d’estimer s’il est nécessaire de faire évoluer le texte », précise Renaud Donnedieu de Vabres. « Ce pourrait être l’occasion de revenir sur le régime de sanction ». Alors qu’il s’agissait de transposer une directive vieille de plus de cinq ans, « la Commission européenne a (déjà) lancé une étude de révision de la directive, car ce texte va à l’encontre de ses objectifs d’harmonisation et ne répond qu’aux attentes d’une poignée d’industriels » déclare Christophe Espern, de l’initiative EUCD.Info.
 
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