La Cour de justice européenne invalide la fusion Sony-BMG
Newsletter n° 4 – Mercredi 19 juillet
Contre toute attente, la Cour de justice européenne vient d’annuler le feu vert donné le 18 juillet 2004 à la fusion Sony BMG par la Commission européenne, qui jugeait alors le rapprochement compatible avec le marché commun. Un jugement aujourd’hui considéré comme « hâtif ». « La Commission n’a démontré à suffisance de droit ni l’inexistence d’une position dominante collective avant la concentration, ni l’absence de risque de création d’une telle position du fait de l’opération », conclut le Tribunal de première instance dans un arrêt du 13 juillet. C’est une victoire pour les indépendants dont l’association Impala avait déposé un recours le 3 décembre 2004 pour annuler cette fusion, affirmant par ailleurs que la Commission a violé plusieurs dispositions et commis une erreur manifeste d’appréciation sur les points suivants : position dominante collective sur le marché de la musique enregistrée et sur celui des licences de musique en ligne, position dominante individuelle sur le marché de la distribution de la musique en ligne, coordination des activités respectives des parties dans le domaine de l’édition musicale.
C’est donc un camouflet pour la Commission européenne dont le commissaire à la concurrence Mario Monti avait tout d’abord interdit la fusion avant d’opérer un virage à 180° et de bénir le mariage, cédant au lobbying des industriels. « C’est une décision extrêmement forte et argumentée, nous commente Maître Isabelle Wekstein, avocate d’Impala. « Les griefs résident dans la contradiction entre les constatations faites par la Commission sur la position dominante collective existant avant la fusion et son aggravation pressentie du fait de la fusion, et les conclusions qu’elle en a tiré ». Pour les indépendants, « cette décision historique est très satisfaisante car tous nos arguments ont été retenus. Cela nous rassure sur l’indépendance des juges » poursuit l’avocate.
Deux ans après leur fusion, Sony et BMG devront elles séparer leurs activités ? Les deux majors ont jusqu’à ce jeudi pour renotifier leur fusion. La Commission, qui a deux mois pour faire appel de la décision de la Cour de justice, devra réexaminer le dossier et recommencer la procédure, en s’appuyant cette fois sur l’étude du marché actuel et non pas sur ce qu’il était en 2004. Elle peut décider de ne pas pousser les investigations plus loin mais de présenter une argumentation plus étoffée, en l’assortissant de conditions visant à réinjecter plus de concurrence. Ou de constater qu’effectivement la fusion est incompatible avec les règles de concurrence de l’Union et de contraindre les deux entités à se séparer. Impala demande que le jugement soit exécuté (il n’est pas suspensif, mêmes si toutes les parties peuvent faire appel) et que Sony et BMG « défusionnent ». Pas évident, après le plan social qui a traumatisé l’industrie l’an dernier. « Les majors nous disent qu’on va tuer le marché, commente un indépendant. Mais ce sont elles qui l’ont tué. Elles n’ont qu’à ré-embaucher ! ».
Si la séparation n’est pas imposée, Impala compte au moins sur une redéfinition de l’ensemble Sony-BMG, et que celui-ci soit contraint à des cessions et engagements laissant plus de place aux indépendants. Quoiqu’il en soit, la décision de la cour de justice pourrait avoir de graves conséquences au-delà du cas Sony BMG. Selon Jean-François Bellis, professeur en droit de la concurrence, elle « ferme les portes » à un rapprochement entre EMI et Warner Music, actuellement engagés dans un duel d’OPA réciproques. Les marchés boursiers ont aussitôt réagi. Le cours des actions Warner a chuté jeudi dernier à New-York, tout comme celui d’EMI à la Bourse de Londres. Le jour même, Warner Music a indiqué qu’il examinait l’impact de la décision de la Cour de justice européenne sur son rapprochement potentiel avec EMI. A suivre.
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